Converge – Jane Doe / Jane Live

En vérité je vous le dit, la fin de l’Hiver est proche. L’adoucissement des températures, la disparitions des quelques neiges subsistantes au profit de décors verdoyants, le retour du chant des oiseaux de bon matin dans nos oreilles, tout ces signes nous prédisent un printemps radieux. L’occasion donc, de compenser ce déferlement de douceur pour se plonger dans la bourbe, l’ombre et l’überviolence d’un genre souvent méprisé: le metal hardcore. Et s’il fallait une bonne raison pour en parler, la voici: Converge, les pionniers du genre, ont sorti le 3 Mars 2017 une version live intégrale de leur meilleur album : Jane Doe. 

Sobrement intitulée Jane Live, l’album comporte l’intégralité de l’album Jane Doe, joué en live en suivant la tracklist. Il semble donc logique, avant de se pencher sur le live, de se pencher sur l’album originel et sur l’histoire de Converge. Groupe originaire de Salem, dans le Massachusetts, Converge est un quintet jouant un mélange subtil de heavy metal, punk hardcore et metalcore, dont résulte un son chaotique, rapide, au rythme changeant, qui pose les bases du mathcore. Comme quoi, la musique, c’est bel et bien une question d’étiquettes. Commençant par quelques reprises de groupe de punks, le groupe trouve rapidement son son et, après la sortie de leurs trois premiers albums,  se retrouve propulsé sur le devant de la scène avec la sortie d’un monument aujourd’hui adulé par les amateurs du genre: Jane Doe.

Jane Doe, c’est un concentré de violence enrobé dans une couche de brutalité. C’est un rouleau compresseur qu’on laisse passer sur soi dans un élan masochiste. Une perle noire rare, qu’on ne peut s’empêcher d’exhiber autour du cou. Du début a la fin, Converge et ses musiciens n’ont de cesse de marteler les sens, déconstruire les codes établis, presque comme des dogmes immuables, par le punk hardcore de leurs prédécesseurs. Empruntant autant à Bad Religion qu’à Napalm Death, au powerviolence qu’au heavy metal mélodique, Jane Doe est un bijou d’expérimentations, qui inspire encore aujourd’hui bon nombre de groupes de hardcore.

Exit les rythmiques simplistes et basiques, place à une technicité naturelle et instantanée. Le batteur enchaîne les blasts et les roulements, les guitaristes délivrent des salves de notes acérées qui semblent composer de réels murs solides, et Jacob Bannon, le chanteur du groupe, pousse des hurlements possédés, gutturaux, et son chant si particulier est l’une des pierres angulaires de Converge. En témoignent l’excellent Concubine, morceau d’ouverture sur lequel le groupe entier, au summum de sa forme, livre une performance des plus intenses, qui donne envie de foncer dans la fosse et d’aplatir la face des autres spectateurs – en toute amitiée, bien entendu. Toutefois, tout n’est pas que violence et brutalité, le groupe se laissant parfois aller a des passages plus atmosphériques, notamment sur les morceaux Phoenix in Flight et Hell to Play, qui s’ils se départissent un peu de la violence classique du groupe, n’en ont pas moins des airs de rage sourde, contenue derrière des dents serrées, qui explosera sur les morceaux suivants. Et que dire de l’éponyme morceau Jane Doe, qui conclut magistralement l’album avec ses riffs lourds, planants, quasi épiques par moments, prouvant ainsi le talent de Converge a créer dans ambiances si particulières et si inspirées, et a transmettre une réelle émotion à travers sa musique.

Avec Jane Doe, Converge marque durablement les esprits des auditeurs, et donne naissance a des dizaines de formations s’inspirant du savant mélange que Jacob Bannon et sa bande ont su distiller. Toutefois, n’est pas Converge qui veut, et Jane Doe et sa production impeccable signée Kurt Ballou (guitariste du groupe), n’a pas encore trouvé d’égal. La preuve, lorsque 15  ans après sa sortie, le groupe annonce que l’album sera joué dans son intégralité au Roadburn Festival 2016, le public est présent en masse pour redécouvrir ou découvrir ce chef d’oeuvre en live. Converge en tirera un enregistrement qui deviendra ensuite un album live, Jane Live.

Réentendre les mélodies si typiques de Jane Doe, mais avec l’expérience, le savoir faire et la cohésion de groupe acquise au fil des tournées et des séances studios est un réel plaisir pour les auditeurs aguerris, et une formidable occasion de découvrir l’univers du groupe pour les novices, avec tout son spleen teinté de brutalité et sa rage diluée de tristesse. Produit une fois de plus par Kurt Ballou, le live est probablement l’un des meilleurs jamais enregistré. Les instruments sonnent clairs, les vocaux sont bien mis en valeur et on a souvent l’impression que le groupe est en train de jouer dans notre salon, tant la spontanéité et l’énergie qui les anime est communicative et se transmet à travers chaque note. Notons que l’artwork original est toujours présent, dans une version live -si on peut s’exprimer ainsi- réalisé par Ashley Rose Couture, qui offre une excellente réinterprétation de la Jane Doe d’origine.

Puissant, novateur, inspirant… Tous ces adjectifs qu’on a collé a Converge à la sortie de Jane Doe sont encore valables aujourd’hui, tant chaque sortie du groupe poursuit dans cette direction d’explorateurs du son, cherchant a aller toujours plus loin en terres inconnues. A vous, réticents à l’idée d’infliger a vos oreilles les durs assauts des guitares saturés et d’un chant puissant et brutal, qui abhorrez toute sorte de musique trop rapide et privilégiez la douceur au côté très « rentre-dedans » du metal et de ses dérivés, mais qui souhaitez vivre l’espace d’une heure une expérience musicale plus vive, plus forte et plus intense, faites fi de vos préjugés et penchez vous sur Jane Doe, dans sa version album ou live. Et si d’aventures vous êtes d’ores et déjà un connaisseur en matière de metal, mais que cet album est passé sous votre radar, n’hésitez pas, foncez, car cet album est probablement l’un des meilleurs jamais sortis. Jane Doe est en anglais l’équivalent féminin de John Doe, nom donné par les légistes aux cadavres non-identifiables, et traduit dans la langue de Molière par « Monsieur Toutlemonde ». Ironique titre d’album pour un groupe qui aura affirmé son originalité et sa personnalité avec celui-ci.