Devin Townsend Project – Transcendence

Les vacances sont finies, et même si elles furent longues, c’est avec plaisir qu’on y met un terme en se relançant dans la chronique. Et quoi de mieux pour une bonne rentrée qu’un album à la fois classique dans son genre, mais innovant, à la fois accessible et déroutant, assemblage de sonorités allant chercher dans la musique électronique, le metal, voire l’opéra épique? Peu de choses, tant le talentueux et prolifique Devin Townsend sait capter la quintessence de la musique, et la sublimer en parfaites harmonies. Musicien Canadien, Townsend s’est spécialisé très tôt dans la musique progressive, et s’est offert une carrière des plus grandioses: une trentaine d’albums depuis 1993, trois groupes différents, et une capacité d’innovation rarement égalée. Son dernier né arrive après l’audacieux double album qui semblait être le pinacle du génie musical de Townsend. Et si l’attente était grande, Devin Townsend n’a, une fois de plus, pas déçu avec Transcendence.

L’album s’ouvre sur une douce série d’arpèges, qui gonfle en un ensemble de riffs épiques appuyant des chœurs rappelant tantôt un opéra, tantôt un thème d’ouverture de film de science fiction. Et très rapidement, on se retrouve en terrain connu: des mélodies aériennes mais écrasantes, une ambiance très cinématographique avec des explosions de cuivres et de cordes, et cette impression d’avoir embarqué a bord de l’esprit un peu fou d’un musicien de talent. Et c’est là qu’est l’essence même de Devin Townsend, qui d’un coup de maître réussit avec un morceau d’ouverture a synthétiser tout son univers, accueillant l’oreille novice tout autant que les aficionados du genre. Et s’il est capable de prouesses à la guitare, comme en témoignent les très sautillants riffs du morceau Stormbending, Devin possède un autre talent: son chant. A la fois puissant et doux, capable d’une voix de fausset autant que de hurlements profonds et prenants, Townsend fait montre d’une excentricité et d’une originalité bienvenue, faisant varier sa voix selon les émotions qu’il souhaite faire passer à travers son morceau.

D’émotions, il en est beaucoup questions dans cet album, et comme toujours, elles s’expriment dans tous les aspects de la musique de Townsend. Sur Failure, un des premiers morceaux révélés de l’album, exit les pompeux cuivres, le tempo du morceau ralentit et la voix se fait plus plaintive, plus douce, et le morceau en devient plus symphonique. Stars montre un Townsend beaucoup plus lumineux, avec son refrain mélodique et dansant, mais qui conserve cette sonorité à la fois légère et écrasante. Si l’émotion prend autant de place dans la musique de Townsend, et s’il est aussi capable de l’exprimer, c’est que le sieur est bipolaire, et que ces troubles, loin de l’éloigner de la scène musicale, ont forgé en lui un attachement particulier a la transmission d’émotions, autant à travers sa musique que ses paroles.

Additionnant et superposant les couches musicales afin de créer des atmosphères bien à part, Townsend expérimente différents aspects de sa musique, et l’éponyme Transcendence, véritable chef d’œuvre, en est le parfait exemple. Assemblages de rythmiques qui semblent presque latines, de chœurs d’opéra, et toujours porté par ce son de guitare si particulier (un mélange de distorsion, de delay et de reverb), le morceau s’inscrit dans la longue lignée des hits de Devin. On retrouve également au chant Anneke Van Giersbergen, chanteuse ayant accompagné Townsend tout au long de sa prolifique carrière, et n’ayant rien a envier a ce dernier en matière de prouesses vocales. Elle apporte un aspect plus léger, plus doux et plus calme a la musique de Townsend, comme en témoigne Offer Your Light, ou le duo Townsend- Giersbergen ne semble être qu’une seule entité en parfaite symbiose.

La transcendance décrit ce qui est hors d’atteinte, au delà de la perception et de l’intelligible. Et c’est précisément ce qu’est la musique de Townsend, encore plus sur cet album que sur les précédents. Sans atteindre l’audace de Desconstruction ou de Ki, Townsend parvient a retranscrire musicalement des émotions fortes, telles que la découverte de soi, l’amour, l’amitié, et le tout avec une folie à la fois enfantine et réfléchie. En interview, il a dit avoir voulu créer « quelque chose de beau, car le monde est trop laid actuellement », et Transcendence, de par ses aspects aériens et symphoniques, semble réellement s’élever au dessus des soucis du monde réel, emmenant l’auditeur dans un voyage dont il ne revient pas indemne, et qu’on souhaiterai éternel. Puissant, technique et innovant, l’album demande toutefois à l’auditeur une attention particulière afin d’en savourer toutes les nuances et structures.

Nul doute que nous sommes face a un grand album de Townsend, l’un des meilleurs qu’il ait sorti récemment tout du moins, ce qui n’est pas peu dire vu la qualité de ses précédentes livraisons. Poignant de sincérité et d’une envie d’aller toujours plus loin, toujours plus fou, Devin Townsend nous livre ici un pur produit d’un esprit apaisé et d’une créativité ahurissante. Un must-have de la rentrée, qui accompagne en douceur la transition des chaleurs estivales vers la fraicheur automnale.