Rock en Seine 2015 : Retour sur une belle boulimie musicale

Avec une programmation aussi alléchante il était difficile de passer à côté de Rock en Seine pour clôturer cet été, et puis ça tombait bien, le week-end précédent en vadrouille au Cabaret Vert, un petit passage à Paris s’imposait avant de retrouver nos belles montagnes.
 

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VENDREDI

 
On démarre notre marathon de concerts par une découverte du festival : « VKNG, c’est un coup de foudre entre deux potes qui se connaissent depuis longtemps ». Ces deux potes, ce sont Thomas de Pourquery et Maxime Delpierre, producteurs et musiciens, qui ont multiplié les belles collaborations, jusqu’à jouer en live Should I Stay or Should I Go en compagnie de quelques Clash themselves. Révélé par les Trans Musicales, et pour son premier gros festival, le duo a eu le privilège d’ouvrir cette édition de Rock en Seine, et de bien belle manière. Réunissant fans, curieux et égarés, le groupe live (4 personnes sur scène) enchaîne avec succès les titres d’un premier album à paraître début octobre. Les VKNG (« Viking » à l’oral) sont des voyageurs, et la scène de l’Industrie est leur drakkar. Et la mer fut prise d’assaut !

Déjà croisé au Cabaret Vert 6 jours plus tôt, John Butler et ses musiciens entament le début d’une longue histoire pour Rock en Seine, faite à base de guitares et de rythmes. Après 10 ans sans passage sur une scène parisienne, l’australien se réjouit toujours autant d’enflammer le public français, « le premier à l’avoir adopté ». Cela s’est ressenti sur la Grande Scène de Rock en Seine, où la foule s’est amassée en nombre pour voir les performances de John Butler, qui délivre son imposant répertoire technique de guitare. Forcément, c’est un bon moment.
 
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Au vu de l’étendue de la foule Rodrigo y Gabriela étaient très attendus. « Le public français est très intense, il donne beaucoup, ça se sent vraiment depuis la scène ». Quelques 20 minutes après le début de leur concert, les deux guitaristes font monter une bonne trentaine de personnes sur scène – « Des fois on a 100 personnes sur scène, les fans sont toujours très respectueux, c’est plutôt cool ! » – pour une grande partie d’improvisation, un point qui est important aujourd’hui pour eux. « On a pas un but particulier, on fait ce qu’on aime. » Les deux gourous de la gratte nous ont confié quelques informations sur leur prochain album qui comprendra beaucoup de collaborations avec « des gens avec qui on a toujours voulu jouer. La plupart sont des amis, c’est pas juste des gens qu’on a rencontré comme ça ». Ils nous parlaient un peu plus tôt de leur début et de leur proche relation avec Metallica, les paris sont lancés pour les invités de l’album !

Après une petite pause musicale le temps de manger, et en attendant de retrouver Fauve, Offspring a fait réémerger de lointains souvenirs pour une nostalgie assurée. Pour être honnête, nombreux sont les médisants rencontrés sur divers festivals français qui se moquent de l’ambiance à Saint-Cloud… en tout cas les a priori ne s’appliquaient pas durant ce concert où de bons gros circle pit jaillissaient sous une ambiance bon enfant. 30 ans de carrière quand mêmes les gars !
 
Plus jeune, mais tout aussi forgé, le collectif Fauve s’est encore bien donné ce soir-là. Avec une scénographie fort bien travaillée et une proximité flagrante, le groupe ravie son public. « Ici ça fait partie des grands festivals encore vivable. » Finalement c’est bien plus plaisant de jouer dans des salles à taille humaine que sur un festival comme Sziget : « Ça a tendance à nous oppresser plus qu’à nous faire marrer. »
Les gars avec qui on discute nous annoncent qu’ils vont faire une pause qui leur semble primordiale pour ne pas retomber dans une nouvelle routine, ce qu’ils chassaient à la base. Pour autant « notre besoin c’est de faire des choses ensemble. On a eu plein de projets avant, on en aura d’autres après, c’est évident – Fauve c’est pas une fin en soi. » Bon vent à vous, et n’oubliez pas de donner quelques nouvelles de temps à autre.
 
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Rock en Seine régale les amateurs de rock sous ses nombreuses facettes avec notamment une programmation de la Grande Scène qui laisse une grande place aux échos des guitares. L’emblématique Sergio Pizzorno et sa bande étaient là pour clôturer comme il se doit le vendredi ! En attaquant d’emblée avec le fracassant bumblebeee suivi de nombreux classiques, Kasabian démontre rapidement la puissance qui fait sa renommé – l’ingé son s’amuse aussi d’une démonstration de basses enragées, qui couvrent presque la voix de Tom, dommage. Le groupe poursuit sur une setlist plus calme avec notamment une reprise tout en douceur de People Are Stange des Doors, joli moment. S’ensuit une belle remontée d’adrénaline et un beau rappel qui se clôturera sur l’excellente LSF, en version étendu pour le bonheur de tous. Malgré un certain manque de punch, Kasabian a fait un joli live ce soir-là. Au vu des regards complices et des sourires échangés entre les membres, le concert s’est aussi bien passé sur scène, l’échange avec le public était d’ailleurs bien agréable.

 
 

SAMEDI

 
The Maccabees ouvre cette journée sous un soleil flamboyant avec un rock progressif génialement bien maîtrisé ! Les fréquents changements de rythme fort bien ficelés avec un duo basse/batterie très entraînant mettent rapidement le public en jambe. Pendant ce temps-là les odeurs de boues chaudes parviennent à nos narines calmement – pluie et soleil ne font pas bon ménage avec la pelouse – et les t-shirts tombent avec une foule déjà bien nombreuse.

S’il est une scène faite pour les révélations de cette édition de Rock en Seine, c’est bien celle de l’Indusrie. Après VKNG et avant We Are Match, on retrouve un quatuor de producteurs français, à l’origine du mystérieux acronyme DBFC. Mélangeant sans problèmes les sonorités club, synthpop, new wave ou encore krautrock, le groupe ne se donne aucunes limites, et en profite pour développer sur scène une musique hybride qui charme un grand nombre de personnes. Après des Trans Musicales de folies, la structure live de DBFC évolue à une très grande vitesse : avec seulement 8 titres jouables à Rock en Seine, le quatuor a déjà frappé fort. Avec un album en préparation, et des dates dans de grands clubs londoniens, on met une pièce sur ce groupe qu’on risque de croiser souvent ces prochaines années.

Profitant d’une pause dans le line-up du festival, on décide de visiter l’une des particularités de Rock en Seine : un village éphémère mis en place autour du disque le plus noble, celui sur lequel on compte les tours par minute. Plusieurs disquaires proposaient des sélections en tout genre afin de ravir une majeure partie du public du festival. Dans ce même espace, on retrouvait également un emplacement où des conférences de labels sont organisées et libres d’accès aux festivaliers curieux. Bien qu’on n’aime pas beaucoup ces types, on a pu assister à celle de Columbia (Sony Music), où le mythique Jean-Michel Jarre présentait son prochain album, sobrement intitulé Electronica. On a pu comprendre que sa particularité, c’est qu’il est blindé de collaborations (Air, Massive Attack, Moby…), et que son auteur entend revisiter l’ensemble de la musique électronique à travers cet LP. On lui souhaite bon courage.
 

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Dans les coulisses du festival, on a cru comprendre que Young Thug était beaucoup attendu. Surprenant : nous nous rangions dans la catégorie de ceux qui pensent qu’une (mauvaise) majorité des rappeurs US se soucie peu de ses concerts en dehors de leurs frontières, et donc n’en branle pas une sur scène. Si bon nombre d’entre eux vus ces dernières années nous ont conforté dans cette idée, le rappeur d’Atlanta nous donne envie de le placer au plus haut rang de cette liste. Avec un concert très court, aucune volonté, des sons ultra-cutés, Young Thug confirme tout le mal qu’on pensait de sa personne, et livre au public le pire moment du festival.
 
On retrouve ensuite Lomepal du côté de la scène Ile-de-France qui met en avant des artistes émergeant de la ville. « J’ai grandi dans le 13ème et j’ai toujours eu un contact passionnant avec la débrouille urbaine. » C’est d’ailleurs dans un environnement urbain, en mouvement, qu’il compose : « Covoiturage, métro, bus, c’est là où j’écris le plus. Jouer sur un grand festival comme Rock en Seine c’est l’occasion de défendre ta musique devant d’autres gens : C’est une autre manière de travailler mais c’est tout aussi intéressant, le défi de convaincre le public fait partie du jeu. » La scène Ile-De-France étant placée dans une pro-tente, le public profite d’un concert assez intimiste à l’échelle du festival. Lomepal enchaîne ses classiques et convainc rapidement les moins initiés.
 
En regardant Interpol développer avec une maîtrise exemplaire son rock à costard, on s’est dit qu’il manquait un truc pour que le concert des américains prennent de l’ampleur. Car si la performance technique est parfaitement aboutie, le son parfaitement mixé, et le public réuni en masse, le groupe pèche sur sa prestation scénique, trop morose. Ce choix, volontaire, est respectable, mais la pilule est dure à avaler en festival, où l’ambiance joue toujours un rôle majeur, quelque soit le concert. On a bien cru que l’organisation avait mis du somnifère dans la bière – au prix de la pinte, le bénéfice reste énorme – tant le public restait stoïque. Conclusion : Interpol, c’est mieux sous la pluie ou dans une petite salle.
 
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Loin de vouloir jouer les originaux en boudant The Libertines dont Paris entier semblait attendre le retour, la simple possibilité de retrouver un groupe de cockés titubants était suffisante pour opter pour l’électronique subtile de Jamie XX – dont l’album tourne en boucle au sein de l’équipe depuis sa sortie. Entre des basses très (très) fortes, des morceaux étonnants et quelques skeuds qui sautaient, la première partie du set a dû en laisser quelques-uns sur le banc de touche. Mais inutile de s’affoler, une fois lancé sur des sons plus colorés le cerveau des XX ne s’arrête plus et mix de nombreuses tracks de son album terriblement planantes parsemées d’autres morceaux plus dansants – Gosh marque l’apogée du set avec ses synthés particulièrement fabuleux. Jamie termine son set avec Loud Places et laisse son public avec une unique question en tête : « À quand le troisième album des XX ? »
 

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DIMANCHE

 

Pour démarrer une dernière journée musclée, on choisit de voir les petits frères de Tame Impala, qu’on retrouvera plus tard. Ces petits, ce sont Pond (les deux groupes partagent un line-up commun), et eux aussi ont du talent à revendre. À seulement 4 sur scène, les australiens délivrent un rock psyché qui soulève une foule imposante et complètement sous le charme. Les explorations musicales peuvent commencer !
 
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Le marathon se poursuit avec Fuzz. La bande à Ty Segall (à la batterie) chauffe à blanc du parisien avec un rock garage brut de décoffrage. Résultat : une excellente ambiance, peut-être la meilleure du festival, avec slams, chants et pistolets à eau. On regrette de n’avoir vu que la première partie du concert du trio, mais l’emploi du temps était déjà plein.

Dans une tenue dont eux seuls maîtrisent le style, les Hot Chip sont venus défendre leur 6ème album sorti quelques mois plus tôt. Les bidouilleurs britanniques revisitent de nombreux classiques avec une jolie dimension live : le croisement entre machines et instruments forme une musique organique, riche et captivante. Peut-être un peu trop mou sur certains passages, le live reste très bien rythmé par une batteuse qui n’est pas présente en studio, de quoi ravir le fervent public des premiers rangs !

Avant même le début de son concert, Tame Impala l’avait réussit. Il n’y avait qu’à voir le monde réuni devant le Grande Scène spécialement pour la bande de Kevin Parker. Deux ans après les avoir vu aux Eurocks, les australiens ont changé de dimension.  C’est donc avec une foule massive que Tame Impala va dérouler un show très solide, intense du début à la fin. Les titres du récent album se marient à merveille avec la formule live, ce qui confirme le génie du groupe. Le seul bémol qu’on pourrait y retrouver est l’organisation scénique du groupe, trop concentré sur le centre d’un plateau pourtant très large. Les visuels, eux aussi, auraient pu être revus un peu plus à la hausse. Mais qu’importe, on le tient, le meilleur concert de Rock en Seine 2015.
 

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Certainement plus facile à prédire que la météo, le plus grand mouvement de foule de l’année a bien eu lieu à Rock en Seine… Placer Alt-J juste après Tame Impala – groupes dont les fans s’entrecroisent – c’était osé ! Malgré d’excellents morceaux et un batteur déversant une délicieuse rythmique, le concert paraît fade et négligé face au live très soigné de Kevin Parker. Sans même parler du chant terriblement faux de Joe Newman, il est difficile de retrouver la rigueur magistrale présente dans les productions studio.
 
Heureusement, il n’était pas question de finir Rock en Seine sur une fausse note puisque la programmation plaçait en clôture le live qui nous a fait le plus saliver cet été ! Aux premiers rangs pour les Eurockéennes et le Cabaret Vert, un placement plus ex-centré s’imposait pour pouvoir apprécier pleinement les visuels d’exception qui s’enchaînent tout au long du concert. Chemical Brothers réussit aisément le pari de regrouper des fans de la première heure avec un public plus jeune autour d’une rave à ciel ouvert ! Une expérience difficilement descriptible qui retrace l’histoire d’un groupe mythique, une exposition sur la musique électronique à eux seuls, magnifique !
 

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Article : Samuel Kurtz et Julien Pionchon
Crédit Photo : Olivier Hoffshir, Nicolas Joubard et Victor Picon. Un grand merci à eux trois.