Pourquoi Brava déçoit.

Grenoble, le 8 mars 2015

Alors officier, qu’est-ce qu’on a ici?
J’en sais trop rien commissaire, les voisins se sont plaints de hurlements insupportables, de kicks et de snares à la fois violents et racoleurs, et d’une hype montée beaucoup trop vite. Ils ont appelé la Police de la Musique qui a forcé la porte, et qui a trouvé ce pauvre homme au sol, les oreilles en sang, avec un mot écrit un peu partout sur les murs: avarB.
avarB?
Oui, mais vu qu’on avait lu Shining, on a pris un miroir, et on a vu que c’était écrit Brava.
Non de Dieu, encore un…
– Comment ça commissaire?

Laissez moi vous parler de Brava, cet album tant attendu qui au final s’est révélé être une telle déception pour certains que leurs tympans ont implosés.

Derrière ce titre des plus alarmistes se cache en réalité un vrai malaise. Brava, l’album de Brodinski qui devait confirmer son titre de champion de ce que certains nomment d’ores et déjà la « nouvelle vague French Touch » (aucune idée de ce que ca peut bien vouloir dire, mais passons), s’est avéré être pour beaucoup une déception qui tape complètement à coté de ce à quoi il aspirait: regrouper au sein d’un même album des prods très typées techno et un hip-hop venant à la fois de Los Angeles, d’Atlanta et de Chicago. La hype était à son paroxysme, et ce dès la sortie du premier extrait, Can’t Help Myself et de son joli clip. L’instru tapait sec, ca sonnait très bien, mais déjà un petit bémol, SD. Le rappeur présent sur le morceau. Affilié à GBE (Chief Keef, Fredo Santana, la drill music, etc…), sa présence semblait clairement dispensable sur ce morceau. Il sonne plus comme un sample que comme une vraie présence sur le track, mais on reviendra là-dessus plus tard.

-Mais pourtant, la tracklist aurait bien du alarmer quelques personnes?
-J’y viens officier, j’y viens…

Effectivement, cette tracklist aurait du mettre la puce à l’oreille de certains « spécialistes de la musique autoproclamés du net ». Pour un album qui devait représenter des villes fondatrices du Hip-Hop que Brodinski déclare adorer, on ne pouvait qu’être un peu dépité: Yung Gleesh? Bloody Jay? SD? Bricc Baby Shitro? Bien qu’on ne puisse pas reprocher à un artiste d’inviter ses artistes favoris sur son album, nombreux sont ceux qui s’attendaient à des collaborations de prestiges. Notons quand même la belle présence de Slim Thug, une figure assez emblématique de la Dirty South. Le plus problématique n’étant pas tant la présence de nombreux inconnus aux bataillons, mais surtout le fait que sur la moitié des morceaux, leur présence est quasi inexistante. Entre des répétitions de la même phrase durant tout le morceau, du screwed & chopped assez sale, et des « cris » poussées ça et là, on est bien loin d’être représentatifs du rap des villes que Brodinski souhaitait représenter.

Ah mais voilà qui explique les hurlements entendus par les voisins.
– C’est fort possible.

Mais les instrus en elles-mêmes? Elles sont quand même bonnes, ou bien… ?

C’est là que le bât blesse sacrément. Ces instrus sonnent toujours « trop ». Trop brutales, trop déstructurées, trop abusives,… On est assez loin de ce que Brodinski proposait, le niveau est relativement bas dans l’ensemble, tant les kicks, les basses et les synthés ne s’adaptent pas du tout aus artistes qui viennent poser sur l’album. C’est l’un des gros paradoxes de ce disque: si aucun des featurings n’avait été présent, l’album aurait probablement été passable, car il regorge tout de même de beaucoup de bonnes idées (notamment l’instru de Us, dernier morceau de l’album). Et certains diront: « Oui, mais il avait produit des morceaux pour le dernier album de Kanye West et c’était vraiment bien ». On rappellera donc qu’il n’était jamais le seul producteur, et que Kanye West est Kanye West, à savoir un très bon rappeur. Alors que là, faire poser un Young Scooter sur des instrus techno-trap-électro, c’est comme demander à Sardou de chanter dans un groupe de Black Metal: une mauvaise idée, même si ça peut sembler marrant à la base.

Whoa. Vous avez vraiment été déçu commissaire…
– Assez oui. J’attendais quelque chose d’un peu mieux, d’un peu moins « prise de risque » et d’un peu plus « valeur sûre ».

Car oui, un argument qui revient souvent chez les fervents défenseurs su projet est cette prise de risque assumée. Prendre des risques, c’est une chose, mais toute prise de risque musicale doit rester calculée. Ici, on est face à un album qui pourra tourner dans beaucoup de clubs, voire même sur certaines radios. Et honnêtement, on ne voit pas trop où est la prise de risque là dedans. Pourquoi ne pas s’être limité à quelques artistes de bonne qualité et avoir délivré un album plus équilibré et moins « fourre-tout »?

Enfin commissaire, c’est bien beau tout ça, mais ça ne nous donne aucune indication sur cette scène de crime… Pas de mobile, pas de trace d’effraction…
– Regardez la victime… la vingtaine, un ordinateur à proximité et Brava dans sa chaine hi-fi. Il était en pleine rédaction d’une chronique sur cet album, qui aura finalement eu sa peau.
– On classe ça dans les accidents domestiques du coup?

Possible. Espérons que tout ceci n’est bien qu’un accident, une petite erreur, et que la suite sera un peu meilleure.

 

Cet album est donc un coup dans l’eau, qui a fait beaucoup de bruit et qui s’est attiré l’attention de beaucoup. On laissera le mot de la fin à Dewey: J’en attendais pas grand chose, mais je suis quand même déçu. Sans rancune Brodi’!