Kanye West – Yeezus
L’autoproclamé meilleur rappeur au monde est de retour, et il n’a pas laissé son ego aux vestiaires pour son 6ème album. Cet egotrip, Kanye West joue avec, en abuse même, comme le montre le titre de son album : Yeezus, contraction de son nickname Yeezy et de Jesus. Le nom pose le contexte : ce sera court, solennel et efficace. Et c’est le cas : 40 minutes de rap compressant passé, présent et futur pour un résultat complètement fou et unique.
Le rappeur de Chicago a déclaré vouloir grandement puiser dans une musique que sa ville a particulièrement affectionné : la house. Yeezus est donc un album à la production très électronique. Cela se devine rien qu’en lisant la liste des producteurs. Deux noms reviennent le plus souvent. Le premier est celui de Daft Punk. Le duo français, qui a construit ses premières réputations sur des bijoux house. Il s’adapte donc parfaitement au projet de Kanye West. Les deux robots ont produits 4 titres, tous différents. Yeezus s’ouvre On Sight, titre ultra-énergique mélangeant rap furieux et production acid house. Kanye nous surprend autant que les Daft Punk ! Black Skinhead, avec ses percussions omniprésentes, est ultra rythmé, sauvage et effrayante. Ici encore, c’est du pur inédit.
Le second producteur récurent est Hudson Mohawke, moitié de TNGHT, qui le meilleur espoir d’une nouvelle scène électronique post-dubstep : la trap. Mohawke s’impose comme un producteur talentueux et influent, qui laisse sa trace sur Yeezus. On ressent fortement son influence sur les basses de I Am A God. Sur ce titre, Kanye brise toutes les frontières de l’egotrip en s’offrant God en featuring, rien que ça. Ponctué de cris sauvages sur une instru grandiosement menaçante, I am a God est le morceau le plus symbolique de Yeezus.
Ce qui marque encore plus que l’aspect électronique c’est la violence qui émane de cet album. Yeezus est ce que West a fait de plus sombre. Les cris présent sur I Am A God ou Blackskinhead sont l’exemple le plus frappant. Mais toute le ton de l’album est noire, triste, réservée. Il n’y a qu’à tendre une oreille sur Hold My Liquor, chanson transpirant la gueule de bois s’envolant parfois dans de psychédéliques rugissements de guitares. Une ambiance extrement pesante est aussi présente sur Send It Up. Imprégné de la patte du producteur techno français Gesaffelstein, on ne saurait donner une autre couleur que le noir à cet extrait semblant venir de profondeurs inconnues.
Le dernier aspect de Yeezus soulevé ici concerne la carrière de Kanye West. Cet album semble être un pivot pour l’artiste. Yeezus propose un son inédit qui pourrait indiquer une nouvelle ligne directrice. Le futur, donc. Mais Yeezy n’oublie d’inclure le passé dans quelques recoins de l’opus. Ainsi, on retrouve du chant autotuné de West sur le surpuissant Blood On The Leaves, qui navigue entre des samples de Nina Simone et de TNGHT. Marier deux univers si différents rappelle la force de cohésion que dégageait l’album 808s & Heathbreak, délire pop autotunée largement critiqué. L’album se clôt sur Bound 2 qui ressuscite le titre de Ponderosa Twins Plus One. L’introduction de sample 70s tel que celui-ci rappele les sons de West lors de ses deux premiers albums. Ce final clôture donc une boucle entamée il y a presque dix ans.
Yeezus est un album qui ne peut pas laisser indifférent. De nombreux fans de la première heure seront surement éjectés du virage entamé par Kanye West. Il ne se contente plus de faire du rap, mais va explorer différents univers musicaux pas forcement abordables au premier abord. De plus, il se lance dans cette aventure la tête la première, en signant des productions violentes et dures. Cet album est celui du risque, mais aussi celui de l’ambition de profondément marquer le hip-hop américain. Seul le temps nous dira si cette aventure n’était pas trop ambitieuse.
9/10
Artiste : Kanye West
Album : Yeezus
Genre : Hip-Hop
Label : Def Jam Records
Sortie : 18 juin 2013