Ghostface Killah- Twelve Reasons To Die

Question: quel collectif musical des années 90 a réussi à faire rimer Shaolin et Rap? La réponse est évidente: le Wu-Tang Clan. Je pourrai dire tellement de bien de ce
groupe que 500 pages ne suffiraient pas, et de toutes manières ce n’est pas le sujet. Enfin pas directement, puisqu’on va parler de l’album de Ghostface Killah, membre émérite du Clan. L’album en question, nommé Twelves Reasons to Die, devait initialement sortir en 2012, mais il a été repoussé pour une raison simple: RZA (encore lui…), qui en est le producteur, travaillait à ce moment sur son film, The Man With the Iron Fists, et les deux parties ne souhaitaient pas que la bande son du film entre en compétition avec l’album.

Donc, pour en revenir à la galette, on est face à un album-concept, basé sur un comic racontant l’histoire d’un dénommé Tony Stark (non, pas celui à qui vous pensez…) qui combat le crime dans l’Italie des années 60, tombe amoureux d’une belle, et revient d’entre les morts pour se venger suite à son meurtre par le père de cette dernière. Pour qu’on puisse suivre sans trop de soucis l’histoire, le CD arrive avec un comic (fort joli d’ailleurs!) retraçant l’histoire de l’ami Stark, bandit voulant se faire un nom parmis les bandits. Avant de se plonger dans l’écoute, petit point sur la pochette du disque: vous vous rappelez de ces affiches de film de série B, avec du sang et un éclairage douteux, genre le dyptique Grindhouse de Tarantino ? On est face à quelque chose qui y ressemble, très old-school, et qui retranscrit très bien l’esprit très « comics ». Un bon point, donc.

L’album s’ouvre avec Beware of the Stare, qui, sur une instru très old school, à base de piano et d’accords de guitare très western spaghetti, plante les bases de la légende du Ghostface Killah, tout en égotrip. On est clairement face à un bon vieux morceau de rap à l’ancienne, qui remplit parfaitement son rôle d’introduction à l’album, les choeurs féminins apportant une impression de grandeur au morceau. On enchaine avec Rise of the Black Suits, qui retrace la vie de gangster désabusée (Follow no family rules, rules are for fools/Chase the paper cause it’s the cash that rules). Toutefois, l’instru toute en piano et en batterie lente donne presque l’impression d’entendre une confession, des regrets, comme si cette thug life n’était pas vécue comme un honneur, mais comme un moyen de survie. Vis à vis du comic, la chanson présente Tony Stark comme une sorte de Tony Montana, avec plus de moralité toutefois. Belle réussite.

Sur I Declare War, on retrouve un featuring avec deux autres membres du Wu: Masta Killa, qui donne de la voix sur le deuxième couplet du morceau, et RZA, qui fait une fois de plus montre de ses talents de conteur en ajoutant une partie à la légende de Tony Stark. Quand à l’instru, elle n’aurait pas dénoté dans un Kill Bill (dont la bande son a été composée par RZA, par ailleurs…). Un peu moins d’engouement sur Blood on the Cobble stones, qui retrace le conflit sanglant entre la famille de mafieux DeLucas et « Stark-iano ». L’instru est correcte, mais les paroles en elles mêmes auraient peut-être mérité plus de recherche; on parle quand même d’une guerre entre mafieux, pas d’un règlement de compte entre gangs…

L’engouement remonte vite sur The Center of the attraction, qui raconte l’histoire d’amour entre la fille de la famille DeLuca et Tony. Les choeurs féminins et l’instru calme donnent un coté très romantique à la chanson. Reste que le couplet de Cappadona sonne un peu faux au niveau de la différence entre sa voix et la ligne sonore du morceau. Toutefois, l’idée est bonne, car durant l’outro du morceau, on peut interpréter cette voix comme un des associés de Tony, lui demandant de revenir à la raison avant qu’il ne lui arrive quelque chose… Et cet avertissement semble avoir un semblant d’effet, car sur le morceau Ennemies all around me, on retrouve Tony Stark en pleine introspection, se demandant si oui ou non il doit continuer de fréquenter la fille d’une famille ennemie, pour finalement décider de lui accorder sa confiance, le tout sur un morceau instrumental qui rappellera aux plus nostalgiques les génériques des femmes fatales dans les westerns à l’italienne (ligne de basse très smooth, batterie et piano très langoureux). Clairement un autre excellent morceau sur l’album.

Les choses se gâtent pour Tony sur le morceau suivant, An Unexpected Call. Quand l’instru devient tendue, quand son amour le trahit, Tony est amené chez les DeLuca pour être, je cite « Melt like a record/Never to be remembered, never to be respected ». En gros, Tony va mourir, il le sait, mais l’abum n’est pas fini pour autant, et son histoire non plus… Tony est mort… mais une autre entité va surgir…
The Rise of the Ghostface Killah. Ce morceau résume tout ce qu’on peut attendre d’un album concept de rap. Une intro de RZA racontant le sort réservé à Tony (ses restes ont étés presssés dans 12 vinyles, un pour chaque membre de la famille DeLuca), et prédisant son éveil, et des couplets à la gloire de l’entité qui a émergé suite à la mort de Tony Stark: Ghostface Killah, ivre de vengeance, qui est aussi l’un des couplets les plus gore que j’ai pu entendre. Un morceau sanglant à souhait, qui colle un peu à l’idée qu’on aurait pu se faire d’un couplet écrit par la mariée dans Kill Bill. Clairement la killing track de l’album, dans tous les sens du terme.

Toutefois, avec les deux morceaux suivant, on sent que Ghostface Killah commence à s’essouffler. Revenge Is Sweet se contente de déclamer qu’il prend grand plaisir à exécuter lsa vengeance, tandis que Murder Spree énumère les différentes manières de tuer, concluant tout de même sur une belle référence à un film fameux de Martin Scorsese (« You got no heart, I’ll hunt you down like Cape Fear »). Assez décevant, donc. Même combat pour The Sure Shot 1&2, qui est un constat du Killah sur le milieu de la mafia et du crime en général, et sur le fait que revenu des morts, il est désormais invincible. RZA conclue l’album, avec une phase narrative qui résumme la légende du Ghostface Killah, alias Tony Stark, revenu d’entre les morts pour se venger.

Bien, bien, bien… Donc, au sortir de l’écoute, première impression: Déjà?! Hé oui, 40 minutes pour un CD vendu 12 € en édition standard, c’est un peu cher payé, mais passons. Nul doute qu’on est face à une éxpérimentation de la part de Ghostface Killah. Un album concept, c’est un véritable défi pour n’importe quel musicien. Mais ici, on est face à un ancien membre du Wu-Tang Clan, adepte de films de mafieux et de Tarantino, accompagné par un producteur de Talent ayant collaboré à la bande son de nombreux films de kung-fu. Le résultat est clairement surprenant, mais pas foncièrement mauvais, pas mal du tout même! D’accord, certains morceaux sont ratés, mais voyez cet album avant tout comme un comic qui aurait inspiré un film, qui aurait à son tour été adapté en CD. On retrouve tous les bons éléments d’un western spaghetti moderne, avec notamment les choeurs féminins et RZA en narrateur, qui apportent un très gros plus à l’album.
À travers Tony Stark, c’est la revendication d’un street life destructrice qui a fait son autenticité et sa valeur que nous propose Ghostface Killah, avec ses hauts et ses bas. L’album n’est de loin pas parfait, mais je vous le demande, n’avez vous jamais trouvé un de ces vieux film de série B un peu naze par moment? Si? Hé bien, voyez cet album comme un film de série B, avec ses mauvais coté, mais aussi cette excellence rare d’être abordable par tous. En plus, le comic est excellent, très bien dessiné, et sanglant à souhait.

  • Artiste: Ghostface Killah
  • Genre: Rap Old-School
  •  Sortie: 14 avril
  • Label: Soul Temple

7,5/10