The Matrix – Hoodrich Pablo Juan X Brodinski

Depuis quelques temps déjà, Atlanta a retrouvé sa place de point chaud du rap américain. Et s’il est un rappeur qui, après plusieurs saisons dans l’ombre, s’affirme depuis 2017 comme un des futurs MGP de la ville,il s’agit de Hoodrich Pablo Juan. Après l’excellente mixtape Designer Drugz 3 sortie en 2017, et Rich Hood début 2018, le trapper remet le couvert, cette fois ci accompagné par Brodinski, ancien patron du défunt label Bromance Records et figure de proue de l’electro en France.

La fascination de Brodinski pour le rap ne date pas d’hier. Déjà en 2012, son premier album solo relevait plus de la compilation que d’un réel solo, avec un casting de choix comprenant entre autres Young Scooter ou Bloody Jay. The Sour Patch Kid avait remis le couvert, cette fois ci avec des productions qui sonnaient moins électro, aux rythmiques plus trap. Il s’agissait également de la première rencontre entre Brodinski et Hoodrich Pablo Juan, qui lâchait son flow sur Dead People, morceau qui semblait sorti d’outre-tombe. Pour 2018, les deux artistes se sont plongés l’un et l’autre dans un univers futuriste, ou les sommes et les algorithmes défilent aussi vite que les cadavres dans une morgue, et nous livre un projet de 7 titres sobrement appelé The Matrix, entièrement produit par Brodinski. Entre sonorités sorties tout droit d’un enfer cybernétique et flows nonchalants, références multiples aux habits de designers et aux pilules colorées, bienvenue dans la Matrice.


Hoodrich Pablo Juan se réserve la part du lion sur ce 7 titres, ne se laissant accompagner qu’à une seule occasion par Lil Dude, un de ses comparses du crew Hoodrich. Sur les beats narcotiques de Brodinski, le rappeur se révèle plus froid, presque plus inquiétant, loin des bangers enjoués dont il a le secret. Tel un Néo des ruelles sombres d’Atlanta, modelant sous les conseils d’un Brodinski Morpheus une réalité nouvelle, Hoodrich s’approprie l’univers futuristico-glauque du film jusque dans ses punchlines, se vantant de vendre la pilule bleue et la pilule rouge à ses hoes, tout en conservant ses références bien à lui. Dans la Matrice aussi, il est question de Benjamins Bleus, de lunettes Cartier, et de drogues en tout genre. Pliant les productions de Brodinski comme certains remplissent les sachets, Hoodrich est en symbiose quasi parfaite avec les synthés et sub-bass, terreau fertile pour un rappeur qu’on aurait pu imaginer moins a l’aise sur ce genre de terrains.
Peu prompt a réinventer la roue, HPJ joue plutôt la carte de l’efficacité. Délivrant des performances plus que solides sur tous les morceaux, alignant des flows plus variés qu’a son habitude et allant chercher des influences un peu partout, le rappeur frise le sans faute durant les 25 minutes de The Matrix. Une occasion de rappeler au grand public qu’en 2018, il faudra aussi compter avec lui, tant il mérite amplement sa place au sein de cette nouvelle scène d’Atlanta.

 

On sent sur ces 7 titres une réelle alchimie entre Hoodrich Pablo Juan et Brodinski, tant l’un et l’autre se complètent parfaitement. Qu’il s’agisse de l’intro calme d’International qui se transforme en une comptine morbide et hypnotisante au fil du flow de HPJ, ou Get Lit, qui est une des grosses réussites du projet et vient le conclure de manière magistrale en tabassant l’auditeur a coups de kicks sur-compressés, rien ne semble hors de propos, et le tout est diablement efficace. La recette de Brodinski semble s’affiner de plus en plus, et on espère que cette première collaboration avec un seul rappeur exclusivement trouvera des échos dans l’année qui vient. En attendant, on vous invite a plonger dans une nouvelle dimension, dans laquelle les lignes d’algorithmes sont aussi vertes que les sommes sur la table ou que l’herbe dans le cigare, et où la mort se cache derrière chaque note de synthé. Welcome to the Matrix.