RETROSPECTIVE 2015 [1/2] : L’ANNÉE EN 10 ALBUMS

Décembre, cet ultime mois qui voir revenir, années après années, deux éléments cruciaux pour tous les bons vivants : le Père Noël, sa hotte garnie de cadeaux, et les tops de l’équipe Little World Music, véritables anthologies qui peignent à merveille un paysage musical toujours plus riche et vaste.

En réalité, les tops LWM, c’est toujours un peu brouillon : quand un dub-addict fan de Stand High Patrol doit débattre avec un métalleux (suisse, en plus) fan de Ghost, on a du mal à mettre les arguments de l’un et de l’autre sur un même plan. Ces tops sont donc une ode à l’éclectisme, le seul endroit de l’univers où électronique, indie, hip-hop, hardcore et roots cohabitent en parfaite harmonie.

Ce paysage s’est particulièrement vérifié en 2015. Année fournie en sorties, chaque genre à su s’imposer, tour à tour. Si tout débutait calmement, avec quelques pépites apparaissant de temps à autre (Archive, Bjork, Joey Badass), mars voyait les cadors du hip-hop us s’affronter les uns après les autres (Kendrick Lamar, Earl Sweatshirt, Tyler The Creator…). Les français n’étaient pas en reste, nous offrant de belles galettes tout au long de ces 12 mois. Néanmoins, c’est bien l’indé’ qui, une fois n’est pas coutume, s’en tire à merveille. On ne compte plus les grands albums du milieu, qu’ils soient français (Superpoze, Thylacine, Kid Wise, Hippocampe Fou) ou non (Beach House, Jamie XX, Howling). Si on ne retrouve que peu de premiers albums tout en haut de notre jukebox annuel, on se réjouit de tout le potentiel qui est arrivé jusqu’à nos oreilles en 2015, et qui rendra les années suivantes encore plus belles.

 
 
ASM - The Jade AmuletA State of Mind – The Jade Amulet

The Jade Amulet tel est le nom de la nouvelle quête que s’est lancée ASM en cette année 2015. Un album concept aux paysages sonores riches et dépaysants qui raconte, en 15 pistes, l’épopée de Shalim, détenteur de la fameuse amulette de Jade. Shalim, interprété par FP, ASM nous entraine donc dans de folles péripéties aux couleurs musicales bien variées.  Pour ASM, le projet s’apparente à un film où Tarantino serait le réalisateur, Ennio Morricone le compositeur, et A Tribe Called Quest les acteurs, alléchant n’est ce pas ?

Et le mashup est plutôt réussi, entièrement composé par Fade et The Black Chamber Orchestra, ASM nous sert un album à la sauce Western Spaghetti qui fonctionne à merveille, on a adoré.

 
 
 
beach-house-depresssion-cherry-albumBeach House – Depression Cherry

Cette année, Beach House, c’est deux albums en l’espace de quelques mois. Le premier, Depression Cherry, définit à la perfection la musique crée par le duo de Baltimore depuis une dizaine d’années. Totalement rêveuse et contemplatrice, la pop de Beach House s’écoute seul, calmement, à la maison. La force de cet album, c’est sa capacité à conserver sur une atmosphère planante sans tomber dans la redondance ou la naïveté. Et quand on sait que le duo n’a pas de concurrence sur ce terrain musical, il récolte toute notre admiration. Depression Cherry transporte bien loin, avec une douceur si plaisante, au rythme du pas avec cette impression de redécouvrir les paysages.

 
 
 
 
 
Bjork VulcaniraBjörk – Vulnicura

C’est d’Islande qu’est venu le premier grand album de 2015. Une année plutôt forte pour Björk, qui aura vu la sortie de son album avancée de plusieurs mois et sa tournée annulée prématurément. Car Vulnicura est certainement l’album le plus introspectif de la discographie de Björk, pourtant réputée pour les flux d’émotions dégagés par sa musique. Épaulée par Arca et The Haxan Cloak, l’islandaise livre un album bouleversant tant au niveau des paroles que de la musique. Une exception en cette époque.

 
 
 
 
 
 
GHOST-600x600Ghost – Meliora

Les Suédois masqués de Ghost ont frappé fort cette année en livrant à leurs fidèles (et au reste du monde) leur nouvel album, Meliora. Attendu par les fans comme le Messie, Meliora ne s’est pas juste contenté de reprendre la recette qui fonctionnait si bien sur les albums précédents : c’est un album plein d’innovations que livre ici un groupe au pinacle de son art. Ghost nous embarque dans une épopée folle, dont la bande son n’est que guitares saturées, synthés ecclésiaux, et surtout un chant à la fois cristallin et angoissant. Et comme souvent, l’artwork de l’album est de très belle qualité, avec son trompe l’œil sur fond de paysage steampunk. Un des incontournables de cette année, à la fois subtil et accessible, et surtout d’une infernale efficacité !

 
 
 
 
kendrick-lamar-to-pimp-my-butterfly-coverKendrick Lamar – To Pimp A Butterfly

Dès la première écoute, To Pimp A Butterfly déploie des couleurs  gorgées de soul, de funk et jazz, caractérisées par des productions taillées sur-mesure pour le rappeur californien. Kendrick Lamar prend la planète hip-hop à contre-pied avec un virage musical inattendu mais contrôlé. Salué par la critique, encensé par ses fans, K-Dot réalise un sans faute trois ans après le très bon Good Kid, M.A.A.D City, l’album qui l’avait fait connaitre.

Avec  un opus déjà hissé au rang de « classique » l’Angellin distance encore un peu plus la concurrence et s’assoit seul sur le trône vaquant du rap US.

 
 
 
 
kid-wise-l-innocence-5007Kid Wise – L’Innocence 

Les jeunes toulousains ont sorti un premier album hyper ambitieux. Fin, pointilleux, élégant, sensuel, progressif, puissant… Tant d’adjectifs pour définir ce si bel album. Une œuvre complète, un voyage singulier qui mêle à merveille la modernité de productions électroniques portées par des synthés terriblement efficaces, et l’atemporalité du couple piano/violon, du trio guitare/basse/batterie. Inclassable, indomptable, ce premier disque avec son anarchie des formats est une ode à l’indépendance, à l’heure où même David Bowie se contraint à réduire la durée d’un morceau pour profiter des recettes d’iTunes.
 
 
 
 
 
Odezenne-DolzigerStr2-VisuelHDOdezenne – Dolziger Str. 2

Odezenne a toujours eu une place à part dans le paysage musical. À la fois rappeurs, poètes modernes, «musiciens pour bobos», selon l’Obs qui leur préfère Fauve, le duo a toujours su déchaîner les passions sur son chemin. Avec Dolzinger Str.2, Odezenne nous prend à contre-pied, variant des flows et superposant synthétiseurs et instruments, créant la surprise chez l’auditeur. Surprise qui se retrouve (un peu) dans les textes du groupe, conteurs d’histoires de tout un chacun. À la fois beau et déroutant, Dolziger Str.2 se taille une place bien à part dans nos cœurs et nos oreilles. On rit, on pleure, on vit, on meurt avec Odezenne. Pour le meilleur et pour le pire, mais surtout le meilleur.
 
 
 
 
 
Rone couvertureRone – Creatures

Nous avions laissé Rone en 2012 avec un excellent Tohu Bohu, le producteur à lunette nous invitait alors dans un monde doux, apaisant et onirique à la fois. Après trois ans d’absence Erwan Castex nous revient avec un album plus sombre nommé Creatures. Un opus collaboratif où l’artiste s’entoure de musiciens d’horizons bien différents : Etienne Daho, Francois Marry, ou Sea Oleena aide ainsi notre maestro à façonner sa créature. Le résultat est superbe, Mary Shelley n’a qu’à bien se tenir.

Rone nous livre un subtile alliage entre musique électronique, pop et musique du monde, une délicieuse balade qui sonne l’heure de la maturité pour le producteur breton. 

 
 
 
 
The shoes chemicalsThe Shoes – Chemicals

Bien avant sa sortie, on pouvait prédire que le second album de The Shoes portait bien nom. Radical, tranchant, chimique. Chemicals construit un nouveau pont entre pop et musiques électroniques. Loin de se contenter d’employer quelques synthés pour un refrain, le duo rémois a choisit de jouer sur le terrain des électroniques dures : gabber (l’ovni Drifted), trap (Us & I), house (Give it Away) ou encore acid (le fantastique Whistle), styles à première vue inassociables, cohabitent et se marient à merveille avec la pop. Si le tout peut sembler pour certains brouillon, il traduit en fait le talent et l’éclectisme qui crée la musique de The Shoes. Chemicals est le disque électronique qui manquait à la pop, mais aussi l’inverse. Avec le temps, cet album sera grand.

 
 
 
 
 
Tame-Impala-CurrentsTame Impala – Currents

Avec Currents, Tame Impala se hisse encore un peu plus tout en haut de la hiérarchie musicale mondiale.  Si une partie des fans de la première heure peut-être déçue du virage pop et moins psychédélique suivit par Kevin Parker, une immense majorité se doit de reconnaître le talent fou de l’australien. Délesté par les guitares, gonflé par les synthés et les boites à rythmes, Currents est le laboratoire des nouvelles pulsions musicales de Parker. En ressortent des titres immenses aux formats variés (Let It HappenEventuallyPast Life), où rythmes lents, vocodeurs et distorsions forment un tout unique, complètement inédit.

 
 
 
 
 
 
 
Superpoze ThylacineBonus : Superpoze & Thylacine

Hors de question de clôturer cette sélection sans parler de ces deux artistes qui font l’unanimité au sein de la rédac. Superpoze nous a offert un délicieux voyage cette année d’une sublime mélancolie, sous des impulsions passionnées qui saisissent dès la première écoute et grandissent au fils du temps. Particulièrement fin et élégant, le jeune caennais surprend et laisse place à une musique rêveuse à contre-courant de la surenchère ambiante. C’est beau. Thylacine réussit quant à lui le pari risqué de composer – du moins trouver l’inspiration nécessaire – un album dans le transsibérien, en une dizaine de jour. Il transporte son public sans difficulté en maniant ses propres samples avec brio. L’album se clôt sur des bruits de vagues, des vagues qui nous ont emporté.