Steven Wilson- Hand.Cannot.Erase

S’il est un nom à retenir dans le rock progressif ces 10 dernières années, c’est bien celui de Steven Wilson. Leader du groupe Porcupine Tree, collaborateur et producteur sur les albums de groupes tels que Opeth, Pendulum ou Anathema, Steven Wilson s’est également illustré par des albums solos d’une grande qualité, à la fois beaux et profonds, dans lesquels il développe des thèmes teintés d’ésotérisme et de nostalgie. Hand.Cannot.Erase, son nouvel album, suit cet univers si cher à l’artiste, nous invitant cette fois ci à un voyage avec une ligne directrice autour d’un personnage central à l’album.

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L’album s’ouvre avec le morceau First Regret, dont le piano soutenu par des percussions très typées « musique électronique » réalise un prélude parfait au morceau suivant, 3 Years Older. Les riffs de guitares, le mellotron, le piano, la basse… tout rappelle la patte sonore classique de Steven Wilson, et on sa voix si particulière ravit toujours autant. Entre passages planants à la guitare acoustique, solos de mellotrons, lignes de basses puissantes et riffs acérés de guitare, Steven Wilson parvient à captiver l’auditeur durant ces 10 minutes que dure le morceau.

Vient ensuite Hand Cannot Erase, sur lequel on assiste au retour de cette vibe électro-pop qui surprendra les fans de la première heure. Toutefois, passé l’introduction du morceau, les instruments reprennent la part belle, avec une ligne de synthé qui compose la structure du morceau et sur laquelle viennent se greffer les autres instruments. Perfect Life, dont la structure est cette fois-ci clairement d’inspiration electro-slowtempo, introduit la voix de la chanteuse Ninet Tayeb en conteuse d’histoire, et repose principalement sur des voix et du chant clair. Pas de guitares, tout n’est sur ce morceau que synthés en strates et assemblages de snares et de kicks. Steven Wilson démontre ainsi son habileté à sortir des chemins battus pour expérimenter de nouvelles structures sonores, et il le fait avec brio.

 

Routine est la première « vraie » ballade de l’album. Les voix de Steven Wilson et Ninet Tayeb se répondent, tandis que le morceau s’enrichit au fur et à mesure d’une guitare acoustique, de percussions, d’une ligne de basse et d’ensembles de violons. La structure du morceau change radicalement avec l’arrivée d’une flute et d’une guitare électrique qui rappelleront allègrement Pink Floyd, ou même Jethro Tull pour les connaisseurs. On tiens clairement là l’une des perles sur l’album, une masterpiece presque digne d’un opéra. Home Invasion est quand à lui un morceau qui surprend, de part son introduction très saccadée, ses sonorités semblant venir d’un autre temps et ses guitares passées à travers de multiples pédales d’effet. Les accélérations et décélérations de rythme, ainsi que l’omniprésence du synthétiseur, rappellerons à certains Dream Theater. La transition avec le morceau suivant, Regret #9, est quasiment imperceptible. Les basses profondes typées électros, omniprésentes lors de Home Invasion, se poursuivent et s’enrichissent d’un magistral solo de synthétiseur, soutenu par la batterie et des ensembles de cordes. Nul doute, ce morceau est l’un des temps forts de l’album, qu’on ne se lassera pas d’écouter de si tôt.

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Sur Transcience, on retrouve Steven Wilson accompagné d’une guitare acoustique et d’un kick de basse profond. Le chant est à l’image de la mélodie, calme et envoûtant, invitant plus à l’introspection qu’à hocher la tête en rythme. Le morceau est court, mais on en avait bien besoin avant d’ attaquer Ancestral, le plus long morceau de l’album (13minutes et 33 secondes). Enchainements snare-kick doux, flute traversière, synthés, mellotrons et pianos, violons et violloncelles, autant d’instruments utilisés et assemblés avec brio pour créer une ambiance nostalgique et contemplative. On retrouve une fois de plus ces structures si particulières au rock progressif, dans lesquels les pianos répondent à des solos de guitares, les violons aux basses, le chant à la flute, le tout mené de main de maître par Steven Wilson. C’est également l’un des morceaux qui rappellera le plus aux nostalgiques l’album The Raven That Refused to Sing, car on y retrouve les mêmes sonorités d’ensembles de violons soutenus par des guitares saturées, tandis qu’une autre guitare plus claire joue une mélodie quasi-onirique. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce morceau, mais s’en faire son propre avis reste encore la meilleure manière de l’apprécier.

On en arrive à la conclusion de l’album, avec Happy Returns et Ascendant Here On… . Sur Happy Returns, la voix de Steven Wilson -dont le chantonnement sur le refrain est absolument sublime- porte le morceau de manière magistrale, tandis que le piano et les guitares amènent une ambiance très lumineuse et apaisante. Ascendant Here On… revisite la mélodie de Perfect Life avec brio, donnant un air encore plus poétique et mélancolique à la composition. Et c’est sur une dernière note de piano que se conclut Hand. Cannot. Erase.

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Techniquement sans faute que ce soit au niveau du chant ou bien de la structure musicale, Hand. Cannot. Erase. démontre une fois de plus la technicité de Steven Wilson, teintée de son habileté à faire ressentir des émotions fortes au travers de sa musique. Et quelles émotions! On passe des phases les plus sombres aux phases les plus heureuses, les morceaux s’enchainent sans temps mort, et les compositions sont toutes éblouissantes. Plus qu’un simple album, c’est ici un voyage à la fois mélancolique et poétique auquel nous invite Steven Wilson.
Nombreux sont ceux qui attendaient un deuxième The Raven That Refused to Sing, qui avait été un chef-d’œuvre qu’on pensait inégalé. Toutefois, même si l’on peut être dérouté par les incursions de sons électros-industriels, ils donnent à cet album une consistance rarement égalée, qui le rapproche quasiment d’albums tels que The Wall de Pink Floyd, à la fois pour le coté « story-telling », et aussi et surtout pour la puissance des compositions, qui vont vibrer une corde sensible chez les auditeurs. L’année a certes commencé depuis peu, mais on peut sans trop s’avancer dire que, dans le milieu de plus en plus accessible du rock progressif, on est face à une future référence du genre, un formidable exercice de style dont l’auditeur sort avec des étoiles dans les yeux.