Retrospective 2013 [2/3] : Les tops des redacteurs

Artwork Couverture

Le moins que l’on puisse dire, c’est que 2013 fut une année musicale fantasque, avec ses hauts et ses bas en forme de grand huit vertigineux. Outre l’apparition de nouveaux espoirs, la confirmation de futurs grands, l’apogée de certains géants, 2013 fut aussi l’année du leak, du streaming d’albums, de l’hyper-promotion inventive et abusive, des albums et collaborations surprises, des hommages répétitifs, de la disparition de grands noms de la musique du XXème siècle.

Après la présentation des 10 meilleurs albums de l’année pour l’ensemble de l’équipe, les 3 plus belles plumes de Little World Music vous délivre leur coups de cœurs (5 albums, 5 titres, 3 concerts, un événement) ainsi qu’une bouse, parce que tout ne fut pas rose.

 

Julien Pionchon :

5 albums :

  • Saint Michel – Making Love & Climbing
  • Rone – Tohu Bonus (édition deluxe de Tohu Bohu)
  • Vampire Weekend – Modern Vampire of the City
  • Son Lux – Lanterns
  • Arcade Fire – The Reflektor

 

5 Titres :

  • Détroit – Horizon

Ne pas notifier cet album aurait été un oubli, sur ce titre auto-biographique Cantat parle de ses années en prisons, ses peurs, ses angoisses, son mal être. Il le fait avec lyrisme comme à son habitude sous les résonances grinçantes et confinées au regard du captif, guidant ainsi une déflagration solennelle, mêlant pour un court instant ombres et lumières.

  • David Bowie – Where are we now ?

Sombre et mélancolique, Bowie écrit ici une magnifique chanson, universelle et atemporelle. Un homme qui ne cesse de surprendre, après une carrière édifiante, avec une simplicité et une humilité que bon nombre devrait suivre.

  • Son Lux – Lost it to Trying

Un hymne à lui seul, mêlant des sonorités épiques avec une rythmique qui frôle la frénésie. Une fusion agrémentée de beats et parties électroniques difficilement identifiable créant un espace authentique qui se dissocie par la suite difficilement du cortex cérébral. 

  • Saint Michel – Katherine 

Saint Michel témoigne avec ce titre d’une profondeur insondable, propulsé par des synthétiseurs célestes, exploités jusqu’à la moelle. Une belle présentation de l’univers du duo, développé dans un album qui au regard d’un titre aussi complet ne glisse pas dans la répétition et propose un remarquable voyage.

  • Rone (ft.John Stanier) – Pool

Un titre venant compléter le décors du jeune français, enregistré avec le batteur John Stanier qui donne une belle amplitude à la longue traversée aux sonorités toujours plus enjouées de Rone. La tendance étant à la radioeditation qui semble parfois déteindre sur les artistes, ce genre d’œuvres élancées devient un festin à l’heure actuelle. 

3 Concerts

  • Phoenix – Eurockéennes

Sans doute l’heure et demi qui a défillé le plus vite cette année, un concert sous une excellente ambiance avec un publique hymnant tous les gros titres du groupe, bondissant sous les rythmiques fiévreuses, absorbé par ces français qui ont à présent conquérit le monde entier après un album confirmant la reconnaissance haxagonale – “C’est la première fois qu’on joue devant autant de monde en France !” T.Mars.

  • Muse – Stade de France

Les inRocks se lamentaient du dernier album en parlant du “groupe-festival” mais c’est en réalité exactemenent cela. Muse a proposé avec cette dernière tournée une mise en scène démesurée, majestueuse avec des passages théatraux – Animal, Feeling Good entre autre – un mur de panneau de led de 20m de haut, des lances flammes, des lanceurs de faux billets, bref une fête forraine à lui tout seul, mais une fête bien maîtrisée qui laisse savoureusement des étoiles dans les yeux.

  • Alt-J – Eurockéennes

Sous le soleil et le cadre envoûtant de la plage des Eurocks, un premier concert sans fausses notes qui démarre bien ces 4 journées sonores. Le groupe a joué son album sous les acclamations d’un publique jovial, fredonnant une grande partie des morceaux, se laissant bercer par la douce mélodie de ces anglais bien récompensé de leur travail.

Deux blagues : Empire of the Sun – Ice on the Dune   &   Avicii – True

Deux profils différents, avec d’une côté une réussite désabusée qui fait partie du business mainstream – Avicii – et puis une grande déception pour EotS qui avait pourtant fait ses preuves avec un premier album intéressant. Un point commun se dégage de ces deux plaisanteries, un certain talent à l’air de se cache derrière, du moins une certaine authenticité qui est sublimée au service du portefeuille. C’est dommage pour Avicii qui acquière le profil type de l’aliéné infecte qui fait danser des minettes de 16ans à moitié nue à Miami; c’est totalement pathétique pour EotS  – qui avec son look bling-bling avait le mérite de jouer la mise en scène étrange mais marrante, justifié par son style assez travaillé, au moins original – qui rend un album Guettatisé, odieux à l’oreille, et qui se permet de faire ce genre de fabuleuses répliques « Daft Punk had a great marketing campaign, but we’ve got better songs » élue citation de l’année 2013.

 

 

Samuel Kurtz :

5 albums : 

  1. Kanye West – Yeezus
  2. Arcade Fire – Reflektor
  3. Vampire Weekend – Modern Vampires of the City
  4. Darkside – Psychic
  5. Disclosure – Settle

5 titres :

  • Daft Punk – Giorgio By Moroder

Premier morceau autobiographique, Giorgio By Moroder est à la hauteur de l’artiste dont il raconte l’histoire à travers ses propres mots et une musique basée sur une boucle simple, inspirée du Chase de Giorgio (BO de Midnight Express), explorant, en 9 minutes chrono, tout ce que la musique a découvert ces 50 dernières années, de la disco au jazz en passant par le scratch et la drum’n’bass. Un monument.

  • Kanye West – Black Skinhead

Neufs producteurs réputés, dont les français Daft Punk, Gesaffelstein et Brodinski, un sample de Marilyn Manson, un clip créatif mettant en scène Kanye… Black Skinhead est tout ce que peut représenter une super-production mainstream de notre époque. Et pourtant, il en ressort un titre rauque, ultra violent, dénudé de couleurs, envoûté par des samples de cris superposés à des percussions surpuissantes et frissonnantes. Extrême, à l’image de son auteur.

  • Arcade Fire – Reflektor

En moins de 8 minutes, la troupe canadienne pose la plupart du décor très riche qui constitue son album éponyme. Reflektor est un morceau en constante évolution, explorant un vaste univers composé de moments electros (on reconnaîtra la patte de James Murphy), funky, baroques. Si on somme à ça la voix mystique d’un David Bowie venu de nul part, des bouts de pianos glissés en douce répétant un riff simple sur une envolée puissante, on a, une fois de plus, que Arcade Fire maîtrise son sujet sur le bout des doigts. 

  • James Blake – Retrograde 

Avec sa légendaire délicatesse, James Blake nous envoûte à travers un titre où sa voix se mélange avec une instru très légère, composée de claps et d’un piano en fond. Des envolées trippantes de synthés ponctuent un refrain planant. Un morceau éphémère mais aboutit jusqu’au bout. 

  • David Bowie – Love Is Lost (James Murphy remix)

L’association inattendue de deux titans de la musique moderne qu’on ne présentent plus. Alors qu’on les croyait en retrait, l’association de ces deux grands hommes aboutit à un remix long de plus de 10 minutes où Murphy sublime et revisite le travail de Bowie, en témoigne les deux minutes d’introduction, où un banal applaudissement se transforme progressivement en une série de claquements dansants. La deuxième partie, moins complexe, ne perd pas en intensité, et prolonge le plaisir d’un remix complet. 

 

3 concerts :

  • Gesaffelstein – Eurockéennes de Belfort (Belfort)

Le lyonnais, qui débute avec ce concert la promotion de son premier album, met le festival a ses genoux avec les gros kicks qu’on lui connaît. Pas mal d’inédits (pour l’époque), de passages à vides angoissants ancrant encore un peu plus le live dans l’atmosphère qu’en dégage la musique, le personnage, la scène et l’éclairage. Techniquement très au point (trop pour être improvisé, ce qui est dommage), la claque est immense et marque au fer noir les esprits.

  • SBTRKT – Nuits Sonores (Lyon)

Caché derrière son masque, SBTRKT enflamme le public lyonnais, toujours bouillant quelle que soit l’heure (4h – 6h). Pas mal de house anglaise new school, de dédicaces aux copains (on entend retentir la voix de James Blake au moins trois fois), ainsi que des sons maisons (le classique Wildfire nous transporte loin, très loin)… Tous ces éléments nous confirment que SBTRKT est, à juste titre, un des meilleurs DJ (et compositeur) actuels.

  • Jamiroquai – Musilac (Aix Les Bains)

Même si Jay Kay n’était pas à 100% ce soir là, ses pas de danses funky transportent une foule pas forcement acquise à sa cause au départ. La preuve en est, c’est ce dancefloor géant que le groupe génère, chose où les DJs programmés (Paul K, Agoria) n’ont pas réussit à reproduire en si grand. Un show intense, qui titille des sommets avec des tubes tels que Cosmic GirlLittle L ou Alright.

Une bouse : The Bloody Beetroots – Hide

C’est bête, fut un temps où Sir Bob Cornelius Rifo nous offrait de belles choses. Mais cette période est révolue pour l’italien et son crew. Devant le succès fulgurant qu’a connu le groupe ces dernières années, les Bloody Beetroots continuent dans leur lignée de musique violente de kicks et de cris. Une fois passée la cover immonde (décidément, les prix se cumulent), l’album n’est qu’une suite vulgaire de musique taillée pour le live du groupe (qu’on a boudé cet été), où Ableton Live et acharnement sur grosse caisse ne font plus qu’un.

 

Pierre-Elie Diby :

5 albums :

5 – Earl Sweatshirt- Doris

4 – Queens Of The Stone Age- Like Clockwork… 

3 – Kanye West- Yeezus

2 – Gesaffelstein- Aleph

1 – Woodkid- The Golden Age

 

5 Titres :

  • Disclosure & London Grammar – Help Me Lose My Mind

Lorsque l’une des meilleures chanteuses de l’année 2013 pose sa voix sur un morceau du duo Disclosure -adulé par beaucoup cette année- ça donne un morceau à la fois planant et magistral, reposant ou excitant selon l’envie, mais dans tous les cas, une réussite parfaite.

  • Gesaffelstein – Hellifornia

Des basses surpuissantes qui nous transportent au débuts de la Trap music, une production hip-hop sur laquelle même Kanye ne pourrait pas rapper (bien trop thug)… Et surtout, surtout, une réussite absolue sur l’album ! 

  •  Daft Punk & Julian Casablancas – Instant Crush

Un morceau qui transpire la passion et le romantisme, porté par la voix vocodé d’un Julian Casablancas au meilleur de sa forme. Le gros coup de coeur sur l’album, et assurément un des clips les plus tristes que j’ai pu voir… 

  • Queens of the Stone Age – The Vampyre of Time and Memory

Un morceau poignant sur lequel Josh Homme se livre complètement, accompagné d’un piano qui résonne à travers le temps et l’espace. Touchant, comme presque tous ces morceaux sur lequel un musicien se met entièrement à nu, au point qu’une part de son âme semble fichée dans la musique.

  • Woodkid – Conquest of Spaces

S’il ne devait rester qu’un seul morceau de l’année 2013, ca devrait être celui-ci. Production parfaite, envolée lyriques, mise en scène monstrueuse en live, et surtout un morceau qui appelle à l’envol et au passage vers du nouveau. Une transition parfaite entre deux années ! 

 

3 concerts :

  • IAM – Chateaurouge

Les papas du rap français sont venus défendre une fois de plus leur style inimitable sur la scène de Chateaurouge. Entre succession de hits du dernier album (Debout les braves en intro, une tuerie) et retour sur les anciens hymnes (Je danse le MiaPetit Frère, et j’en passe), les marseillais ont clairement assuré tout du long. Une nouvelle victoire pour l’Ecole du Micro d’Argent!

  • Boys Noize – Eurockéennes de Belfort 

Après m’être nourri de son album Out of The Black et m’être tapé toute sa discographie avant de venir aux Eurockéennes, j’étais gonflé à bloc pour le live d’Alex Ridah. Et je n’ai pas été déçu! Entre une structure de live tout bonnement ahurissante (un crâne noir de 3 mètres de haut, avec les yeux qui s’illuminent…) et des salves sonores qui ont comporté des bonnes surprises (euphorie sur le remix de Ich R U par Jacques Lu Cont), Boys Noize a ravi son public!

 

  • Jackson & His Computer Band – Eurockéennes de Belfort

Pour n’avoir jamais entendu parler de Jackson avant les Eurockéennes (Grand haut à Sam, par ailleurs), je ne savait pas trop à quoi m’attendre. Après 1h15 de matraquage de sons électrons dans les oreilles, et en avoir pris plein les mirettes tant son jeu de scène et son installation monstrueuse (une sculpture et 24 synthés), j’en suis arrivé à la conclusion que, définitivement, c’était une des plus belles claques que j’ai pu prendre en live!

 

Une déception :

  • Eminem – The Marshall Mathers LP2

Alors, ce n’est pas vraiment une bouse, mais c’est vraiment ma plus grosse tristesse de l’année. Pourquoi? D’une part, parce que j’ai rien vu venir du tout, et d’autre part parce que cet album est l’exact opposé de ce qu’il prétend être, à savoir une suite à l’un des (sinon le) meilleur album d’Eminem. Entre des featurings douteux (Rihanna, sigh) et des gros échecs musicaux (Legacy, sigh), cet album est également le premier sur lequel Eminem fait la bête de foire avec Rap God. Sans rire, avait-il vraiment besoin de rappel 101 mots en 16 secondes (et pour ceux qui sont impressionnés par la perf’, retournez écouter Busta Rhymes) pour montrer qu’il était le meilleur MC en vie?
Et je ne pratique pas du délit de sale gueule ou du racisme à l’encontre des rappeurs blancs, mais c’est juste qu’après un Relapse décevant et d’un Recovery affreux, je m’attendais juste à beaucoup mieux de la part d‘Eminem. Va falloir gérer sur le prochain, Marshall…

 

On s’est tapé une bonne grosse année musicale, et pleins d’autres auraient mérité de finir dans notre classement et beaucoup en feront partie dans les années à venir. Parce que 2013 a été l’année de belles découvertes, des récentes ou des moins récentes, et c’est avec un plaisir grandissant que nous comptons vous les présenter l’an prochain!

Musicalement vôtre,

Little World Music