Arcade Fire – Reflektor

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Le supergroupe canadien revient avec Reflektor, double album au vu de sa longueur, produit par un ami du leader Win Butler, le génial James Murphy. Beaucoup d’attentes envers ce nouveau Arcade Fire, un groupe qui n’a jamais fait de faux pas, et ce après déjà 3 albums, dont le dernier, The Suburds, fut un succès critique, publique et scénique impressionnant. Reflektor est-il cet album capable de prouver au monde que, depuis le retrait de Radiohead, Arcade Fire est le plus grand groupe au monde actuel ?

 

Avant qu’il ne soit écoutable, quelques indices pouvaient nous donner la couleur de ce Reflektor. Les deux précédents albums de Arcade Fire furent enregistrés dans l’église de Farnham, au Québec. Pour ce nouvel opus, l’univers change complètement puisqu’il fut enregistré dans les Caraïbes. On peut déjà penser à une musique encore plus colorée qu’avant. On peut également deviner que l’album sera plus électronique, sachant que James Murphy, ex LCD Soundsystem, est derrière la table de mixage. Enfin, l’artwork, représentant le Orphée et Eurydice d’Auguste Rodin sur fond de marbre, donne un caractère sombre et mythique à l’oeuvre. Reste donc à Arcade Fire de nous montrer, en mélangeant ces différents ingrédients, comment cuisiner une si bonne galette.

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On comprend dès la première écoute pourquoi Reflektor est un double album : deux albums bien différents, mais liés, l’habite. Le premier joue plus sur des influences tropicales, et on ressent aisément la patte de James Murphy à la production. La meilleure démonstration de cela vient avec l’incroyable Here Comes The Night Time, morceau complètement rebelle au tempo évoluant constamment comme bon lui semble. On danse tout doucement, puis un piano caribéen répète un riff d’une simplicité extrême, nous emmène sur les plages de Haiti avant que tout s’emballe. On a rarement vu une production aussi aboutie pour un morceau instrumental de ce type, ruisselant de nouveaux détails identifiables à chaque nouvelle écoute. We Exist est également habité par cette vibe caribéenne, avec ses guitares qui sautent et sa basse omniprésente. Le premier tube de l’album est le titre éponyme Reflektor, qui ouvre d’ailleurs l’album. Sortit avec deux clips, un classique et un interactif, ce titre rappele la période LCD Soundsystem, mais avec la patte Arcade Fire. Après quelques minutes funky et légères, le morceau, aidé par la voix fantomatique d’un certain David Bowie, s’envole vers des horizons bien plus ambitieux se traduisant par des passages tantôt electros, tantôt baroques. Les deux dernières minutes ne sont plus qu’une incroyable montée dictée par un piano sobre et des chœurs résonnants de toute part. Avec Normal Person, le morceau le plus pêchu de Reflektor, à mi chemin entre The Cure et le regretté Lou Reed, Arcade Fire nous montre son coté plus crade avec ses guitares en rafales, son tempo infernal et ses chants vivants. Dans le même genre, Joan Of Arc, morceau sauvage chanté à la sauce Arcade Fire, apporte sa touche dancefloor, où on imagine déjà une foule crier  »Joan Of Arc ! » par dessous le groupe entre deux sauts.

 

Si on se fit à la tracklist, la seconde partie de l’album peut sembler plus ‘religieuse’, avec des mythes, des résurrections et du porno au programme. En réalité, on part d’en bas, avec l’usé Here Comes The Night Time II, version subsidiaire à la première partie, pour finir au septième ciel avec l’ultra abouti Supersymmetry et ses chœurs fantastiques. Entre temps, on se réveille avec Awful Sound (Oh Eurydice), un morceau somnolent capable de se lever pour nous offrir un refrain magnifique. Le dancefloor revient avec It’s Never Over (Oh Orpheus) et son riff de guitare impeccable et surpuissant, le meilleur de l’album. Derrière, une basse trafiquée jusqu’à sa limite vient nous ronronner à l’oreille. Ce titre, bien que quelque peu chaotique, fait son effet très rapidement. Porno recycle un synthé new wave avec un rythme lent, tout ça pour un titre intense et planant, ce qui est bien symptomatique du nouveau Arcade Fire. Reste alors Afterlife, un des plus grands tubes de ces dernières années. Blindé d’optimisme et de couleurs, ce titre s’inscrit déjà comme l’une des plus grandes réussite du groupe. On peut difficilement en dire plus.

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A l’instar de Kanye West ou de Daft Punk, Arcade Fire est purement indépendant pour créer sa musique. Pas besoin de respecter des codes ou quelconques quotas, les canadiens vont là où ils veulent. Composé de manière complètement atypique dans un château en Jamaïque, Reflektor illustre tout le potentiel et le génie de ses auteurs. Plus moderne que ses prédécesseurs, cet album possède toutes les atouts pour trôner au sommet des classements de fin d’année. Enfin, Reflektor confirme ce que beaucoup pensaient après la sortie de The Suburds : Arcade Fire est, à ce jour, le groupe le plus créatif, talentueux et couillu de sa génération. C’est-à-dire le meilleur au monde.

9.5/10

  Artiste : Arcade Fire
  Album : Reflektor
  Genre : Indie Rock
  Label : Merge Records
  Sortie : 28 octobre 2013