Klub des Loosers: Mise au point avant la sortie

Le 13 mai sort le nouvel album du Klub des Loosers intitulé Last Days.  Alors
du coup, au lieu de juste faire une chronique pure et simple dessus, pourquoi ne pas se faire un petit dossier special sur le Klub des Loosers, un groupe marquant par sa singularité et sa verve.

Le Klub: késaco?

Tout d’abord, le Klub pourrait se résummer à une seule personne: Fuzati.
Il fonde alors le Klub des Loosers avec Dj Orgasmic, puis lorsque ce dernier rejoindra le groupe TTC, il est remplacé par Dj Detect, qui opera toujours en live. En effet, l’organisation du Klub est particulière, car Fuzati produit globalement tout, des instrus aux textes. Toutefois, il avoue en interview avoir besoin de Detect en live car “il ne peut pas tout faire seul”.

Fuzati: Le hip-hop était son pote…

Revenons-en au personnage qu’est Fuzati. Fuzati, c’est l’entité au masque blanc et inexpressif, l’incarnation de tous les penchants et faiblesses de la personne derrière le masque, ainsi que de ses idées parfois radicales. « Romantique comme un acteur porno qui ne quitte pas son alliance », profondément critique et dépressif, suicidaire parfois voire carrément glauque, ce MC au cynisme exacerbé transmet dans ses chansons un profond mal-être, mais ce avec beaucoup d’ironie et d’auto-dérision. Dans les textes de Fuzati, on est loin des préoccupations des autres rappeurs, qu’il critique d’ailleurs avec virulence dans “Dead Hip Hop”, mais on parle par contre de notions profondes tells que la solitude, la déprime, les amours brisés, la pression parentale, le suicide,  bref, que des sujets joyeux, mais apportés avec un tel humour noir qu’on ne resent que très peu de malaise en écoutant ses vers. De plus, il manie les métaphores avec talent, réalisant d’excellentes personnifications d’objets, qui deviennent alors des extensions de lui même, comme par exemple un parapluie.

Au final, on ne sait pas vraiment si on doit hair ou plaindre Fuzati, car ses experiences de vie sont toujours si tragiques qu’on peut facilement comprendre ses positions profondéments machistes et non-paternelles. Un personage complexe donc, comme il en existe peu dans le rap, et c’est ce qui contribue à sa notoriété.

Le premier album: Vive la vie!

En 2004 sort le premier album du Klub des Loosers, ironiquement intitulé Vive la Vie. On y retrouve un Fuzati au bord du suicide (il confie à l’époque en interview y avoir plusieurs fois songé durant la conception de l’album), au flow cynique et aux bon mots sordides, tels « N’y a-t-il que dans les crématoriums que l’on trouve de la chaleur humaine ? », ou encore « Maman disait souvent que la vie est une boîte de chocolats,A peine à la moitié j’ai déjà envie de gerber! ». Classe.

L’album en lui même est bien ficelé, on y suit les déboires amoureux du jeune étudiant destiné à « science-po’ ou HEC », en révolte contre son monde. Pour moi deux chanson s’en détachent plus que les autres: « Sous le signe du V », un hymne critique envers les versaillais et leurs moeurs particulières, parsemé de punchlines hilarantes, avec une mention spéciale pour le « Marie-Charlotte aimerait me faire croire qu’elle a quelques amis basanés, mais ce ne sont que Pierre et Louis qui rentrent bronzés de l’Ile de Ré. », et « De L’amour à la Haine », un récit dans lequel Fuzati dresse un portrait peu flatteur des rapports humains après une rupture.

Avec Vive la vie, Le Klub met en avant un univers auquel le rap porte peu d’intérêt, à savoir les introspections, le rejet de soi et la vie de tous les jours, à la fois morose et déprimante, le tout avec un style unique et incisif.

 

L’entre deux: Le Klub des 7 et Spring Tales

Outre le Klub des Loosers, Fuzati et DJ Detect ont aussi opéré dans le Klub des 7, un collectif de rappeurs formé de Gérard Baste (des Svinkels), James Delleck, Le Jouage, Freddy K (mort en 2007 dans un accident de moto) et Cyanure. Le collectif a sorti deux albums traitant de l’enfance, (Le Klub des 7 en 2006, et La Classe de musique en 2009) où les flows des rappeurs se mélangent agréablement, que ce soit en solo ou en duo, comme sur “Quand je serait grand”, de Fuzati et Gérard Baste (un pur chef d’oeuvre d’ailleurs!).


Les sujets sont plus légers, on sent une bonne ambiance lors des prestations live, et même maintenant il n’est pas rare que les membres s’invites sur des mixtapes ou pendant des concerts. Concernant les deux albums, on est plus proche du rap français « normal » que de la déprime notoire de Fuzati, mais cela prouve la grande versatilité de l’artiste.

Versatilité qui s’exprime également dans son projet instrumental, qu’il réalise seul, mais qui sort sous le nom du Klub des Loosers, Spring Tales. L’album est un regroupement d’instrus réalisées par Fuzati, que ce soit des versions instrumentales d’anciens morceaux du Klub des 7, ou des inédits. En bref, de sympathiques instrus jazz-beats qui sonnent parfois très abstract hip-hop, un petit bonheur auditif au final!

2012: La Fin de l’Espèce:

8 ans après Vive la vie, le nouvel album du Klub des Loosers sort enfin. Intitulé La fin de l’espèce, on sent clairement que quelque chose a changé chez Fuzati, sentiment qui se confirme avec ses premiers mots : »une seconde naissance, j’ai buté mon adolescence« . En effet, alors que dans Vive la vie Fuzati avait une vision très critique du monde des adultes, on le retrouve ici en célibataire alcoolique, trentenaire passé, employé de bureau, et incompris par tous, qui se demande « si Cupidon est un peu myope ou un peu con « . Cet album, c’est l’album du solitaire dépressif, incompris des femmes, et qui devant tant de dédain de la part des autres, choisit finalement de prendre la direction de la non-paternité.

L’album est à l’image du Klub des Loosers, transpirant la déprime, et présente une vision très sombre de la société, vue à travers le masque d’un solitaire dépressif et frustré par tout, et qui, par son humour noir et son cynisme, se détache totalement des codes du rap pour rappeler à tous les détracteurs que le Klub des Loosers, c’est presque un genre à part entière.

 

2013: Last Days

 

Alors qu’on avait du attendre un bon moment avant la sortie de La Fin de l’Espèce, Fuzati remet le couvert avec un nouvel album instrumental en 2013, produit une fois de plus par… Lui-même. Il avoue dans un communiqué de presse avoir enregistré frénétiquement des morceaux depuis 2006, en « buvant trop d’alcool et en abusant de différentes substances. » , et Last Days ne serait qu’un regroupement des titres les plus aboutis. L’album pourrait donc être le premier de toute une succession d’albums instrumentaux.

Pour en revenir au contenu, l’album est en écoute libre içi, et loin d’être comme Spring Tales un recueil d’intrus et d’inédits, on est face à un album comportant de vrais compositions, à mi-chemin entre des beats de rap et des sonorités très jazz, avec des morceaux vraiments excellents, notamment « Working Time » pour son riff accrocheur, et « High Again », qui fait réellement planer grâce à des sonorités aériennes. Bref, de nouveau, on sent que Fuzati s’est surpassé sur cet album (un pin’s LWM à celui qui trouve le nom du film qui est utilisé comme trame historique), même si j’ai hâte d’entendre de nouveau le flow décalé du versaillais sur un prochain cd.