Kid Cudi – Indicud

IncidudKiD CuDi… Jamais un nom n’a autant déchainé les passions. Qualifié de génie ou d’imposteur, Scott Mescudi ne laisse en tout cas pas indifférent. Suite à sa découverte par Kanye West et sa signature sur G.O.O.D. Music (label qu’il a récemment quitté) son premier album, Man on The Moon: The End Of The Day, avait reçu un accueil mitigé de la part de la critique . Le second album, Man on The Moon: The Legend Of Mr.Rager, sorti en 2009, avait suscité un intérêt un peu plus vif de la part des critiques, mais rien d’exceptionnel non plus, l’album récupérant un petit 6,7 sur Pitchfork. S’en était suivi une mise en suspens de la série des Man on The Moon,une colère de Kid Cudi envers Universal Music, qui selon lui n’avait pas bien assuré la promotion de l’album, et la création en parallèle du projet WZRD, un groupe de rock expérimental composé de Cudi et de Dot da Genius, producteur de son état.
En juillet 2012, le Kid annonce un nouvel album, qui ne serait pas un Man on The Moon, mais qu’il définit comme « son Chronic 2001 ». Dans la foulée, il lâche un titre pour l’album: Indicud.
Penchons nous dessus, d’ailleurs. Premier point, la pochette de l’album. Une explosion dans un cadre doré, très tape-à l’oeil, mais pas spécialement jolie par rapport à ce qu’on a pu voir auparavant, même si on comprend l’envie de faire un lien avec les clips (qui sont entourés du même cadre doré).
La tracklist attire également l’oeil. On retrouve en featuring King Chip (a.k.a Chip Tha Ripper), RZA (qui semble être partout ces temps ci…) et les inénarrables Kendrick Lamar et A$AP Rocky, ainsi que toute un pléthore d’autre noms fameux. Très prometteur, donc!
L’album s’ouvre avec The Resurrection of Scott Mescudi, un morceau totalement instrumental qui fait planer une ambiance très mystérieuse, avec des bruitages qui semble sortis d’un film de science fiction. Une introduction très majestueuse pour l’album.
On enchaine avec Unfuckwittable, un titre à la production impeccable du point de vue de l’instru. « Once you realize you’re free/You can fly/Nobody can touch you/ Nobody. », scande une voix féminine en introduction du morceau et on comprend que KiD CuDI affirme sur ce titre qu’il est au dessus des critiques qui se font un plaisir de le descendre.
Just What I Am va confirmer cette prise de position, avec d’un coté King Chip qui affirme qu’il fera ce qui lui plaît (à savoir profiter de sa vie et fumer des quantités astronomiques de cannabis), et de l’autre Kid Cudi qui sort d’une période assez dure et qui décide de garder la tête haute et de rester lui même, sans vouloir changer.

Durant l’écoute de Young Lady, on est d’abord surpris. Guitares électriques, tempo lent, refrain chanté, on est presque face à un morceau de rock alternatif, et ce n’est pas déplaisant du tout! Encore une belle preuve que Kid Cudi sait manier tous les genres. Sur King Wizard, il montre une fois de plus qu’il est ce qu’il est et qu’il ne changera pas pour faire plaisir aux autres.
« I am the smartest man alive!! » s’écrie la voix de Billy Madison pour ouvrir la chanson Immortal. Dans cette chanson, Kid Cudi parle du sentiment de perdition qui l’a accompagné pendant longtemps, et du fait qu’après avoir autant souffert, il se sent immortel. les paroles profondes et l’ instru originale (la mélodie a été composée à l’endroit, puis passée à l’envers) en font un de mes gros coups de coeur sur l’album.

Avant d’aborder la chanson suivante, petit rappel: sur son premier album, on avait pu découvrir une chanson dans laquelle Kid Cudi se livrait sur ses sentiments, sa solitude et son mal-être. Tout dans la chanson respirait la tristesse, et une réelle émotion s’en dégageait. Cette chanson, c’était Solo Dolo (Nightmare). Alors que sur Solo Dolo Pt II, le flow est rapide, moqueur, le rapport à la drogue, loin d’être vécu comme une tare, est revendiqué… On est loin en dessous de ce que Kid Cudi a pu produire, et on ne s’inscrit pas du tout dans une continuité qui justifie le titre de « Solo Dolo ». Quand au couplet de Kendrick Lamar… on reste sur du Kendrick très classique , drugs, bitches and money. Une déception sur l’album, donc. Sur Girls, on voit un Kid Cudi qui sort juste d’une rupture avec sa copine, Jamie Barrata, et qui déclare dans cette chanson son retour à la vie de célibataire et son amour pour la gente féminine. Rien de bien transcendant, surtout sur le couplet de Too $hort, pas mauvais mais pas exceptionnel non plus. On passe.

Après la sympathique track instrumentale New York City Rage Fest, produite par Cudi himself, Red Eye contraste un peu avec les autres titres, la voix de Haim et celle du Kid se mêlent agréablement sur le refrain, l’instru est très tranquille. « Oui, mais c’est pas du Kid Cudi, on l’entend pas chanter dessus » dirons les détracteurs, ce à quoi je réponds: « Est-il obligatoire pour un artiste de chanter sur un chanson pour qu’il la mette sur son album? », car au fond, on le retrouve à la production, et la chanson est super, alors pourquoi aller chercher plus loin?

Pour comprendre Mad Solar, il faut comprendre le rapport de Kid Cudi avec l’espace. S’il se représentait comme la Lune du fait de sa personnalité très sombre et dépressive, et de sa solitude face au monde, sur cette chanson, il montre qu’il reste toujours Kid Cudi, mais qu’il veut évoluer vers du plus positif. Beez en featuring avec RZA. On s’attaque à du très lourd, l’instru est entrainante sans prendre une place trop importante, et Kid Cudi assure le refrain tandis qu’un RZA qui « transforme tout ce qu’il touche en or » déchire- y’a pas d’autre mots- l’instru. Une des grosses réussites de l’album, clairement.

On retrouve avec plaisir King Chip et l’homme au grillz d’or, A$ap Rocky, sur Brothers, une chanson qui traite de l’amitié, et de vouloir changer la vie de ses bro’ en les faisant profiter de son succès.Sur Burn baby Burn, Kid Cudi règle une fois de plus ses comptes avec tous ses détracteurs, leur montrant qu’il est de retour malgé tout ce qu’ils ont pu dire, et qu’il est plus fort que jamais.

Sur Lord of The Sad and Lonely, on retrouve des bruitages rappelant un vieux film de science fiction, une instru très oppressante, et un flow haché et rapide. Le Kid Cudi très sombre refait ici surface, s’auto-proclamant Seigneur de la Tristesse et de la Solitude. Il en profite pour lacher une ou deux piques à ceux qui le descendent (mention spéciale pour le « Haters, how do my cum taste?/No fun, no jokes no smile/Just a grin that suggest I’m the best ») et également pour remercier ceux qui l’on toujours soutenu: ses fans (So many kids live their life through my rhymes/See I’m in love with you all to the end »). Cold Blooded est une occasion pour Kid Cudi de montrer sa capacité à varier ses flows et ses capacités de vocaliste.

L’avant dernière chanson de l’album, Afterwards (Bring Yo Friends) est un morceau de 9 minutes, une déclaration d’amour de Kid Cudi à tous ses fans, dans laquelle il leur propose de venir dancer avec lui, de « rager » avec lui. L’instru-ou plutôt les instrus- passent par plusieurs stades:joyeuse et dansante, plus sombre, et très calme, avec une réutilisation des sonorités présentes dans l’introduction. Efficace et prenante, c’est de nouveau une belle réussite sur l’album.
Enfin, alors que l’introduction présentait la renaissance de Kid Cudi en tant que Scott Mescudi, l’outro s’ intitule The Flight of The Moon Man, et elle consiste également en un morceau instrumental produit par Cudi. Il conclue l’album sur une touche de mystère, laissant l’auditeur perplexe.

Effectivement, on peu se permettre d’être perplexe après l’écoute d’un album certes très attendu, mais pas tellement à la hauteur. Attendez avant de me crucifier sur place publique, je vais vous donner mon point de vue. Les instrus sont excellentes, clairement les meilleures qu’on ai pu entendre sur un album de Kid Cudi. Par contre, si on se penche sur les textes, un constat s’impose: manque d’originalité, clairement. is à part annoncer qu’il est de retour, et qu’il se moque de ses détracteurs, le Kid ne se renouvelle que très rarement dans ses sujets. Sur Man on The Moon II, son rapport à la drogue était vécu certes comme un moyen de se calmer, mais aussi comme une source de honte et d’isolement, alors qu’ici, c’est devenu quelque chose de normal pour lui. Mais ce soundain changement s’explique facilement par le fait qu’on est plus fa ce à Mr Rager, mais face au King Wizard. Je m’explique: sur cet album, Kid Cudi semble plus apaisé, plus sur de lui, moins seul, et surtout plus joyeux. Et le morceau de fin, The Flight of the Moon Man, apporte l’idée d’un nouveau départ vers un univers moins sombre. Tout au long de l’album, Scott Mescudi repousse un peu plus le Moon Man.
Toutefois, la transition est assez brutale pour les fans de la première heure, et certaines erreurs dont à déplorer (personnellement je ne me suis toujours pas remis de Solo Dolo Pt II…). Au final, l’album, malgré son excellente production et ses coups de génie, laisse un peu d’étonnement et beaucoup de questions en suspens. Quid de la saga des Man on The Moon? Est-ce qu’Indicud n’est qu’une parenthèse musicale pour Kid Cudi, ou au contraire un nouveau départ pour celui qu’on appelle désormais le King Wizard? Lui seul connaît la réponse.

  • Artiste: Kid Cudi
  • Album: Indicud
  • Genre: Rap Alternatif
  • Label: Universal Republic Records
  • Sortie: 12 avril 2013

6,5/10