James Blake – Overgrown (Deluxe Version)

Depuis son album éponyme –qui avait, par ailleurs, remporté un franc succès (Best New Music sur Pitchfork, ça se mérite) – le londonien James Blake s’était fait discret, sa seule apparition notable étant un live remarqué au Pitchfork Music Festival à Paris en 2012. Mais déjà, des rumeurs d’un nouvel album avaient couru suite à l’apparition de plusieurs morceaux inconnus durant certains lives du compositeur. La date de sortie et le nom de l’album ont suivi les rumeurs: Overgrown allait sortir le 8 avril 2013. Et en février 2013, un premier extrait intitulé Retrograde était révélé sur BBC Radio One.
Penchons nous donc sur l’album en lui même. Premier point positif : l’illustration de couverture dans la version deluxe est la même que celle du single Retrograde, sobre et classique, il s’en dégage une nostalgie certaine, qui est devenue la marque de fabrique de James Blake, et qui annonce d’ores et déjà le ton de l’album.

L’album s’ouvre avec Overgrown, qui achève de convaincre tout le monde de la puissance de la voix de James Blake. Sur un tempo relativement lent, accompagné d’un piano, puis rejoint par des cymbales, le chanteur est parfait du début à la fin, et sa voix pourra même donner des frissons par moment.

I Am Sold et Life Round Here démontrent une fois de plus le talent de vocaliste de James, ainsi que sa capacité à produire des tracks parfaitement arrangées, les instrus étant maîtrisées à la perfection. Arrive ensuite Take A Fall For Me, en featuring avec RZA. L’instru, plus sombre que mélancolique pour le coup, s’accorde parfaitement avec le flow parlé et rythmé du rappeur. S’en dégage une impression oppressante, renforcée par les effets sur la voix de James Blake, les chœurs évanescents, et l’effet de souffle. Nul doute, nous sommes devant un des morceaux les plus aboutis de James Blake, à qui je tire mon chapeau.

Retrograde nous sort un peu de cette oppression. La mélodie au piano, le fredonnement de James Blake et l’instru aux synthétiseurs donne une touche très fraîche au morceau, qui a bien reposé mes oreilles durant une bonne partie du mois de mars. Cette chanson d’amour peut prétendre sans rougir à sa place aux cotés de Limit To Your Love.

Dlm suit le schéma classique, avec un piano léger qui annonce une mélodie très douce, et un James Blake qui fait l’étalage de ses capacités de vocaliste, chantant parfois presque en a capella, tant le piano se fait discret par moments. Sur Digital Lion, on retrouve un coté électro slow-tempo, avec des battements très lents, qui font planer une atmosphère féérique sur le morceau. Des chœurs très légers vont renforcer cette atmosphère, jusqu’à l’accélération des battements, qui est assez surprenante, mais pas désagréable pour autant. Ce morceau démontre une fois de plus la maîtrise totale de James Blake sur ses instruments, pour le plus grand bonheur des oreilles. Précision : le morceau est produit et co-écrit par Sir Brian Eno.

Le morceau suivant, Voyeur, est une énigme sur l’album. Piano qui semble jouer de manière anarchique, percussions arythmiques, sirènes, et cette voix qui semble
venue d’outre-tombe et qui répète inlassablement « I don’t mind, It was all me »,
tous ces éléments qui culminent sur un final typé très électro instaurent une atmosphère très mystérieuse. Bel exercice musical, cette track est à écouter en plusieurs fois pour en saisir toutes les subtilités. Sur To The Last, la mélodie est aérienne, des flutes apparaissent par intermittence, et les nombreux effets sonores donnent l’impression de flotter dans un océan de tranquillité, impression renforcée par le son du ressac qui arrive vers le milieu du morceau… De nouveau, un morceau très agréable à l’écoute, une vraie invitation au repos.

Our Love Comes Back conclut l’album avec douceur, avec cet effet de souffle qui rappelle toujours l’océan, un piano qui sonne avec mélancolie, et la voix de James Blake, qui résonne comme un murmure dans les oreilles, superbe conclusion à l’album  standard. Dans sa version Deluxe, l’album comporte en plus la chanson Every Day I Ran. Samples de la chanson Royal Flush du rappeur Big Boi, instru décousue, mélange d’électro et de classique, percussions arythmiques, effets variés sur les voix, on est face à un morceau qui semble expérimental, mais qui demeure très plaisant à l’écoute. Un peu comme sur Voyeur, il faudra plusieurs écoutes pour apprivoiser le morceau.

Dans tous les cas, ces deux tracks laissent l’auditeur avec une envie d’en avoir plus, tant on sort détendu de l’écoute. Mais l’album est fini pour de bon, et même si les oreilles en redemandent, on sait qu’il faudra attendre encore longtemps avant de pouvoir écouter un album aussi parfait que celui-ci. Car oui, on est face à un chef d’œuvre musical, une masterpiece comme diraient nos amis d’Outre-Atlantique. L’album est parfaitement orchestré, les morceaux s’enchainent sans soucis, liés par la voix de James Blake. Une seule et unique critique me vient à l’esprit, c’est l’utilisation de modificateurs de voix, parfois abusive.Bien que cela contribue à l’atmosphère de l’album, il est parfois difficile de reconnaître sur certains morceaux la voix de celui qui chantait Limit To Your Love.

Mis à part cette remarque, aucune faute de goût n’est à déplorer, et j’ai même été agréablement surpris par la collaboration avec RZA, qui aurait pu être un échec tant les deux univers sont différents. Mais le mélange des genres semble être devenu la spécialité de James Blake, qui nous offre un album qui relève presque du génie. À consommer sans la moindre modération !


                                                                                              9/10,

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